Première expérience américaine de Fabrice Du Welz, le plus trash des cinéastes belges, Message from the King nous plonge dans un Los Angeles qui apparaît comme la capitale de tous les péchés. Un film d’exploitation fun et brutal mais aussi un film de studio qui n’a pas permis à son réalisateur d’exprimer l’esprit transgressif qu’on lui aime tant.
Synopsis : Suite à la réception d’un message de secours laissé par sa sœur Bianca, Jacob King fait le voyage de Cape Town vers Los Angeles pour une semaine. Son enquête confirme ses pires craintes puisqu’il apprend que Bianca, son mari ainsi que son fils ont disparu après avoir été de mèche avec d’impitoyables trafiquants de drogue. Sa vengeance sera terrible.
Un justicier dans la ville… encore un.
A l’origine, Message from the King est un scénario écrit par Oliver Butcher et Stephen Cornwell (le duo derrière Sans Identité et Riddick) qui tourne de mains en mains depuis de nombreuses années à Hollywood. Il fut notamment proposé à Nicolas Winding Refn et à Michael Mann qui se dirent tous deux intéressés mais finirent par ne pas adopter le projet. Il faut admettre que le scénario repose sur une idée au demeurant efficace : opposer un homme dont on ne sait rien à un univers que l’on croit, à l’inverse, connaître par cœur –Los Angeles– pour découvrir avec lui qu’il s’agit d’un lieu de perdition où la peur et les vices de chacun sont poussés à leur paroxysme. Que ce héros aux méthodes expéditives soit de plus un black (on ne parlera pas d’afro-américain puisqu’il est en provenance directe d’Afrique du Sud et qu’il s’agit de son premier voyage aux États-Unis) renvoie automatiquement à toute une imagerie héritée de la Blaxploitation. Ce scénario qui adopte tous les codes classiques du revenge movie a fini par être proposé à Chadwick Boseman (Black Panther, Get on up…) qui y a vu une occasion rêvée d’affirmer son talent à côté de la grosse machinerie Marvel. D’où sa bonne idée d’en confier la réalisation à un metteur en scène qui a su, en 2014, marquer l’esprit de son public grâce au dérangeant mais très stylisé Alleluia : Fabrice Du Welz.
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Alors que notre héros arrive à Los Angeles et que le réalisateur filme les premières images de la ville via des effets de lumière crépusculaires couplés à un grain cradingue, il est difficile de résister au charme de cette esthétique qui s’annonce brute. Il semblerait même que l’héritage de Peckinpah soit perceptible dans les premières minutes du long-métrage. On retrouve donc bien la radicalité qui marque le style de Du Welz pendant que Jacob King écume les bas-fonds de la métropole et y rencontre des personnages complètement à la masse. Le couple de drogués incarnés par Natalie Martinez (End of Watch, Under The Dome…) et Jake Weary (It Follows) mais aussi, plus surprenant, le dealer interprété par Tom Felton (Harry Potter, Stratton) posent ainsi les bases d’une intrigue dramatique dans un milieu propice à une absence de jugement moral trop facile… et puis arrive Luke Evans.
L’image que Fabrice Du Welz donne de Los Angeles est loin, très loin, de celle de La La Land. Ici, on ne chante pas son bonheur, on se drogue, on se prostitue, et surtout on règle ses problèmes à grands coups de chaîne de vélo dans la gueule!
Non pas que ce pauvre Luke (Dracula Untold, La Belle et la Bête…) livre une prestation qui gâche le film, bien au contraire, mais la simplicité crétine du rebondissement qui l’introduit (son nom sur une carte de visite!) et tous ceux qu’il va amener vont peu à peu éloigner le récit de ce microcosme mortifère dans lequel on aimait le voir démarrer. Son rôle de dentiste-proxénète-arnaqueur est en cela tellement peu crédible que le voir servir de lien entre les « personnages maléfiques » nuit gravement à la cohésion de l’ensemble. Que ces dits personnages soient de plus des archétypes caricaturaux (les gangsters arméniens, le politicard corrompu ou encore le producteur aux mœurs douteuses) et mal exploités, enferme le tout dans un manichéisme un peu forcé. On aurait préféré rester concentrés sur le parcours de Chadwick Boseman, même si celui-ci se retrouve alourdi par une bluette tout aussi godiche et plus convenue encore.
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En plus de voir le scénario dévier du thriller hardcore vers une galerie de personnages hauts en couleurs, la photographie va peu à peu adopter un style léché qui rompt avec le caractère très cru des premières images. Ceci dit, ce visuel désincarné s’accorde à la mise en scène très sèche des scènes d’action pures. Un mal pour un bien donc, mais le véritable défaut qui apparaît dès l’instant où commencent à s’échanger les bourre-pifs est ce montage qui rend les bastons littéralement illisibles. Celles-ci ne sont que cinq au total. Trop peu diront certains, déjà trop diront d’autres. Evidemment, voir Chadwick Boseman distribuer les coups est jouissif, et le voir se faire, à son tour, passer à tabac nous rappelle que nous ne sommes pas devant un film de super-héros… encore que. Qu’il soit sévèrement marqué après une première dérouillée est ainsi cruellement réaliste, en revanche qu’il régénère aussi vite que Logan dans les dernières minutes l’est beaucoup moins. Une preuve de plus que Du Welz n’a pas su conserver jusqu’au bout le contrôle de son travail et s’est brûlé les ailes face à ses producteurs hollywoodiens tout puissants qui lui ont imposé, entre autres, une musique pompière et omniprésente, une relation pleine de bienveillance et un happy-end platement prévisible (hormis un twist qui, certes, n’apporte rien à l’intrigue mais alimente la mythologie autour du héros).
Ce que l’on retiendra de ce Message from the King, ce n’est toutefois pas les faiblesses de son écriture mais davantage son esprit ouvertement old school et surtout le fait que Chadwick Boseman s’affirme comme un parangon de cette virilité bestiale que l’on ne voit plus souvent dans le cinéma américain. Dommage que Du Welz n’ait pas pu en faire un film plus radical, mais il signe ainsi son film le plus accessible et, espérons-le, un succès qui assiéra sa réputation à l’international.
Message from the King : Bande-annonce
Message from the King : Fiche technique
Réalisation : Fabrice Du Welz
Scénario : Oliver Butcher et Stephen Cornwell
Interprétation : Chadwick Boseman (Jacob King), Luke Evans (Wentworth), Teresa Palmer (Kelly), Alfred Molina (Preston), Natalie Martinez (Trish)…
Image : Monika Lenczewska
Montage : Steven Kemper, Beatrice Sisul
Direction artistique : Eve McCarney
Musique : Vincent Cahay et Felix Penny
Production : Stephen et Simon Cornwell, David Lancaster
Budget : 10 millions de dollars
Sociétés de production : Entertainment One, The Ink Factory, Rumble Films, Silver Nitrate Films
Distribution : The Jokers
Durée : 102 minutes
Genre : Thriller, action
Date de sortie : 10 mai 2017
Etats-Unis – 2017
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