Les chamans du Do it yourself new-yorkais posent leurs caméra dans l’Upper West Side et captent un pan de la ville que l’on croise sans jamais voir, celui du trafic d’héroïne.
Synopsis : A New York, un couple de vagabonds toxicomanes, entretenant une relation conflictuelle, se bat contre leur addiction.
La folle histoire d’amour du titre lie inexorablement Harley, blanche et blonde jeune fille avec le sombre métalleux Ilya. Deux toxicomanes vivant dans la rue, sans cesse à la récolte d’un peu d’argent pour leur prochain fix. Ils sont les habitants du quartier que l’on croise sans regarder qui, à force de survivre, touchent à l’addiction du danger.
Le film s’ouvre sur les visages des deux protagonistes s’embrassant à même le sol. Du made love in New-York on passera rapidement au mad love lorsque Harley, qui désespère après avoir perdu celui qui la traite désormais comme une moins que rien, se tranche les veines. C’est le point de départ d’un combat contre une autre addiction, celle de l’amour toxique cette fois-ci.
L’inexplicable attrait d’Harley pour ce démon urbain qu’incarne Ilya ne peut s’expliquer que par une addiction amoureuse qui a dû prendre racine lors d’une parenthèse idyllique d’un passé tragique, à l’image de la scène d’introduction. Lorsqu’Ilya disparaît ou frôle l’overdose, la jeune femme perd les pédales, sauf que leur retrouvailles sont très vite synonymes d’errances funestes. Le jeune homme devient un substitut à l’héroïne de l’héroïne sans jamais la sauver. Si New-York était Gotham, Harley serait Quinn et Ilya le joker. Le comic book de Batman relatant leur relation s’appelle d’ailleurs Mad Love, ce qui n’a sans doute pas échappé aux cinéastes.
Mad Love in New-York n’est pas un portrait de ces personnages, pourtant directement inspirés des écrits d’Arielle Holmes (Heaven knows What) qui joue son propre rôle en incarnant Harley. Le film n’est pas là pour nous faire comprendre tel un documentaire le quotidien de ces personnages, mais pour nous le faire ressentir, au plus près d’eux. Et la mise en scène des frères Safdie n’y est évidemment pas pour rien. La caméra ne se contente pas de suivre son personnage dans son dos, mais la réalisation passe de plans larges filmés de l’autre côté de la rue, à des plans très rapprochés, une manière d’ancrer ces destins tragiques dans une réalité urbaine que l’on connaît par cœur. Les deux réalisateurs ont d’ailleurs filmé à même la rue, avec des acteurs souvent non-professionnels issus de l’entourage d’Arielle Holmes. Ce choix anti-studio donne énormément d’authenticité au film.
On frôle dès lors le documentaire, mais les Safdie avaient davantage envie de lorgner vers le fantastique pour éviter le didactisme d’un film anti-drogue. Le choix, entre autres, d’Isao Tomita pour la bande-son imprègne le film d’un psychédélisme en adéquation avec son sujet. Le générique du début, long plan-séquence musical à l’hôpital, nous prive d’un pathos, préférant plutôt nous plonger dans ce monde parallèle qu’est celui de la toxicomanie.
Après une piqûre d’héroïne il n’y qu’un pas entre le surnaturel et le naturel, du téléphone d’Ilya se transformant en feux d’artifice au réveil brutalement seul d’Harley dans son bus en direction de jours meilleurs. Avec Mad Love in New-York les frères Safdie ont filmé des personnages en errance entre la vie et la mort, des personnifications de nos hantises de décadence.
Mad Love in New-York de Josh & Benny Safdie – Bande-annonce
Fiche Technique : Mad Love in New-York
Titre original : Heaven Knows What
Date de sortie : 03 Février 2016
Nationalité : Américain
Durée : 97 min.
Genre : Drame
Réalisateur : Josh et Benny Safdie
Auteurs : Josh Safdie et Ronald Bronstein d’après le roman Mad Love in New York City d’Arielle Holmes
Casting : Arielle Holmes, Caleb Landry Jones, Buddy Duress, Necro, Eléonore Hendricks
Chef opérateur : Sean Price Williams
Chef décoratrice : Audrey Turner
Monteurs : Benny Safdie et Ronald Bronstein
Musique : Ariel Pink, Paul Grimstad, Isao Tomita
Producteurs : Sebastian Bear-McClard, Oscar Boyson, Benny Safdie, Josh Safdie
Distributeur : Carlotta Films
Budget : NR