Pendant longtemps, Dreamworks est resté dans l’ombre de Pixar. Mais depuis quelques années le public a réellement changé son regard que sur ce studio, depuis Dragons (2010) exactement, film plébiscité autant par la critique que par le public, puis Les Cinq légendes (2012) et aujourd’hui avec Les Croods. Il faut dire que John Cleese (Monty Python) a participé à l’écriture de l’histoire, et que l’on retrouve aux commandes Chris Sanders, accompagné de Kirk DeMicco. Une nouvelle fois, cette équipe démontre l’étendue de son talent pour réaliser un très bon film d’animation.
Dernier né des studios Dreamworks après Fourmiz (1998), Kung-Fu Panda (2008) ou encore Madagascar (2005, 2008, 2012)), le vingt-sixième film de l’écurie nous ramène ainsi à l’âge de pierre pour une aventure colorée, envolée, burlesque mais également touchante et profonde. Le moteur graphique est saisissant, la mise en scène est ambitieuse, la réalisation de toute beauté. Nous suivons avec joie les pérégrinations des Croods, une sorte de road movie servi par une 3D en relief réussie, à travers un monde préhistorique luxuriant aux décors majestueux, aux paysages très colorés (qui rappellent Avatar), peuplés de créatures extraordinaires et surtout inédites telles qu’un tigre à dents de sabre vert, un ours-hibou, des oiseaux-piranhas, des souris-éléphant ou encore des crocodiles-chiens. Le spectateur est amené à s’attacher à cette savoureuse galerie de personnages déjantés, que ce soit le père hyper-protecteur, la fille aventureuse, le fils un peu simplet, le bébé féroce ou la grand-mère rigolote qui refuse de mourir. On a envie de faire partie de cette famille des cavernes. Dès le début du film, la scène de chasse menée tonnerre battant par les Croods comme un match de rugby explosif, est hilarante. Plusieurs anachronismes malins sont très amusants également, tels la chaussure, le parapluie ou encore les lunettes de soleil et se mélangent astucieusement avec quelques allusions historiques, telles la découverte du feu, la création de Lascaux, voire de la photographie ou du cinéma. Le générique de fin, quant à lui, propose une chanson rock du groupe Owl City, parfaitement en résonance avec l’ambiance pop des Croods.
Mais ce film est bien plus qu’une animation pour enfants[iii]. Les réalisateurs démontrent également leur volonté de transformer cette odyssée préhistorique en fable philosophique, en rite initiatique : les personnages migrant face à une nature qui se modifie et devient dangereuse rappelle L’Âge de glace 2 et bien entendu L’Âge de glace 4, dans lequel les personnages sont également confrontés à la séparation des continents et doivent trouver un endroit plus sûr. Les Croods sont au final la première famille moderne : la Terre n’attend pas pour évoluer ; Les Croods prennent rapidement conscience que s’ils n’évoluent pas, ils appartiendront à l’Histoire. Grug pense au départ que tout ce qui est nouveau est un danger pour sa famille. La rencontre de l’autre, de Guy, le contraint d’évoluer et de changer les habitudes de toute sa famille. Le jeune guide va non seulement leur apprendre de nouvelles choses utiles comme le feu, les chaussures, les pièges ou encore manger la poule et non l’œuf, mais également à vivre au lieu de survivre, nouant ainsi une relation amoureuse avec la fille Croods, Eep, éprise de liberté… Au contact de l’autre, les Croods apprennent à ne plus avoir peur, à sortir de la grotte pour aller vers la lumière, et à apprivoiser la nature qui les entoure aussi dangereuse soit-elle. Les Croods, c’est nous à l’aube de notre vie : l’homme doit évoluer sans cesse, s’habituer à la nouveauté, à la différence, se confronter à la peur de l’inconnu ou de la mort, prendre confiance. Les Croods découvrent ainsi le sens de la vie, ses dangers, ses joies et ses peines, non sans transmettre une émotion sincère au spectateur. L’adulte à travers cette interrogation existentielle se retrouvera, lui aussi.
Avec Les Croods, Dreamworks propose un bijou d’animation, un divertissement remarquable qui ravira tant les enfants que les parents. Pour toute les familles du Pierrafeu 2013 !
Synopsis : la famille Croods, dernière représentante de son espèce, menée par Grug, père ultra-protecteur, tente de survivre dans le monde hostile qui l’entoure. Vivant la majeure partie du temps enfermée dans une sombre caverne, la petite famille ne sort que pour se nourrir. Face à ce quotidien morose, Eep, la fille aînée s’ennuie ferme. L’arrivée de la fin du monde et du très évolué Guy et son hilarant paresseux Brassé, va changer la donne. Suite à la destruction de la précieuse caverne, le sympathique clan d’Homo sapiens est contraint pour survivre de passer de l’ère paléolithique à l’ère néolithique à travers de nombreuses péripéties et la découverte d’un nouveau monde merveilleux. (A partir de 6 ans)
Note CSM : 4/5
[i] Chris Sanders, animateur, acteur, scénariste et réalisateur américain, né le 12 mars 1962 au Colorado, travaille tout d’abord pour le compte de Walt Disney Pictures entre 1984 et 2007, puis chez Dreamworks : on lui doit notamment Lilo et Stitch (2002), ou encore Dragons (2010).
Kirk DeMicco, producteur, scénariste et réalisateur américain, qui travaille pour Dreamworks. On lui doit Les chimpanzés de l’espace (2008).
[iii] Il ne faut d’ailleurs pas s’arrêter ni sur la bande-annonce, ni sur l’affiche, qui ne rendent pas la véritable dimension de ce film.