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Le Fils de Joseph, un film d’Eugène Green : Critique

Synopsis : Vincent, un adolescent, a été élevé avec amour par sa mère, Marie, mais elle a toujours refusé de lui révéler le nom de son père. Vincent découvre qu’il s’agit d’un éditeur parisien égoïste et cynique, Oscar Pormenor. Le jeune homme met au point un projet violent de vengeance, mais sa rencontre avec Joseph, un homme un peu marginal, va changer sa vie, ainsi que celle de sa mère. 

Le Sacrifice de Vincent

Rares sont les cinéastes qui peuvent se targuer d’avoir inventé une nouvelle manière de faire du cinéma. Dans la lignée d’un système Bresson ou d’une méthode Pialat, Eugène Green mériterait un nom pour qualifier son approche du cinéma qui se base, un peu comme ses illustres prédécesseurs, sur le jeu de l’acteur. Comme le réalisateur de L’Argent, Green demande à ses comédiens de ne pas jouer, de garder le visage inexpressif et de tout miser sur l’articulation sans forcer sur les intonations de la voix. Les acteurs déclament leurs dialogues où, sous une apparente monotonie, transpire leur voix intérieure.

Après le très beau La Sapienza vu l’année dernière, le réalisateur franco-américain revient avec Le Fils de Joseph, une réinvention contemporaine du mythe du Sacrifice d’Abraham dans le Paris de notre époque. Vincent, lycéen introverti élevé avec amour par sa mère Marie vit dans la frustration de n’avoir jamais connu de père. L’illustration de la toile de Caravage, Le Sacrifice d’Isaac, qui orne sa chambre cultive sa colère envers ce père qui l’a abandonné.
Alors qu’il découvre l’identité de son géniteur, Oscar Pormenor, un éditeur à succès cynique et méprisable, la vengeance de Vincent se prépare. Pour avoir abandonné son fils après avoir mis sa mère enceinte , Oscar se doit de recevoir la punition qu’il mérite, à savoir la mort. Mais lorsque le jeune homme s’introduit dans les bureaux de son éditeur de père pour l’assassiner dans une relecture inversée du mythe d’Abraham, Vincent/Isaac se reprend et est sauvé par un ange nommé Joseph, qui n’est autre que son oncle. Puis, comme le fils de Dieu, Vincent/Jésus trouvera un père en Joseph sans qu’aucun lien de sang ne les réunisse.

Sans se départir de son système formel, Eugène Green revisite le Nouveau et l’Ancien Testament de ses yeux amoureux d’Histoire et d’art. Plus que dans ses autres films, on ressent ici le geste d’un passionné, s’arrangeant toujours pour filmer une chanteuse d’opéra italien sans que ce ne soit saugrenu. On repense à la séquence chantée de Monteverdi dans Le Pont des arts lorsque Domenico Mazzocchi entonne son air sous l’éclairage d’une centaine de bougies dans une Église. C’est ainsi qu’Eugène Green évite la caricature, en s’autorisant à sortir d’un cadre strict d’une adaptation biblique pour étoffer son film de ce qu’il le passionne : l’art et la culture. De plus, loin d’être austère, l’exigence de sa mise en scène cache toujours une forme d’humour qui surgit là où ne l’attend pas, au détour d’une demande de don de sperme ou de ressorts d’un divan en mouvement.

Le Fils de Joseph, même s’il ne nous transporte pas autant qu’aurait pu le faire La Sapienza l’année dernière, témoigne de la trajectoire rectiligne d’un cinéaste unique porté par ses seules passions et convictions cinématographiques. Un réel vent de fraîcheur pour les cinéphiles.

Le Fils de Joseph d’Eugène Green : Bande-annonce

Le Fils de Joseph : Fiche Technique

Réalisateur : Eugène Green
Scénariste : Eugène Green
Acteurs : Victor Ezenfis, Natacha Régnier, Fabrizio Rongione, Mathieu Amalric, Maria de Medeiros
Chef opérateur : Raphaël O’Byrne
Monteur : Valérie Loiseleux,
Chef décorateur : Paul Rouschop
Chef costumier : Agnès Noden
Producteurs : Didier Jacob, Francine Jacob
Distributeur : Les Films du Losange
Durée : 115 min.
Genre : Drame
Date de sortie : 20 Avril 2016

France – 2016

 

Rédacteur LeMagduCiné