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La colère d’un homme patient, un film de Raúl Arévalo : critique

Le mois d’avril serait-il le mois des thrillers espagnols ? Après L’homme aux mille visages d’Alberto Rodriguez, c’est au tour du débutant Raúl Arévalo de débarquer sur le territoire français avec son premier film, La colère d’un homme patient.

Synopsis : Un braquage qui a mal tourné a mené Curro à 8 ans de prison. À sa sortie de prison, il va faire la connaissance de José, un homme silencieux prêt à tout pour se venger.

la-colere-d-un-homme-patient-antonio-de-la-torre-ruth-diazLe thriller a eu son heure de gloire aux derniers Goyas. Si Alberto Rodriguez a confirmé les espoirs posé en lui avec La Isla Minima avec son L’homme aux mille visages, c’est bien le jeune Raúl Arévalo qui a remporté le gros lot avec le Goya du meilleur film, du meilleur scénario original ainsi que du meilleur nouveau réalisateur pour son long-métrage La colère d’un homme patient. Si les deux films partagent donc un genre commun et un beau petit palmarès, ils n’en sont pas moins très différents dans leurs ambitions et leurs constructions. Si L’homme aux mille visages était une reconstitution à la narration très factuelle d’un fait divers ayant ébranlé l’Espagne dans les années 90, le film de Arévalo est un polar brut, qui sous son apparence assez classique fait la part belle à son personnage principal.

Il est très facile de dresser le portrait du film à partir des mots qui composent le titre français. « Patient » dans un premier temps, car outre le fait que le vengeance de José prend 8 ans à se mettre en place, cela peut très bien s’appliquer au rythme qu’impose Raúl Arévalo. En effet, le cinéaste ibère prend son temps à mettre en place le contexte dans lequel va évoluer le film. Après une scène d’introduction montrant le braquage à partir duquel tout va découler, le réalisateur va entreprendre de dresser le portrait du microcosme dans lequel va se dérouler son œuvre. En utilisant un découpage en chapitre ayant des noms simples tels que Le Bar ou la Famille, Arévalo va pouvoir dessiner les caractéristiques de son personnage principal José, un homme taciturne qui a l’air de vivre dans une routine s’articulant autour des parties de cartes au bar de son pote Juanjo, de visite à l’hôpital pour voir son père dans le coma, ou de petit flirt avec Ana la soeur de son ami. Ces petits chapitres très courts oscillant autour de 5-10 minutes vont donc permettre au cinéaste de bien cerner le personnage de José sans  véritablement le faire parler.la-colere-d-un-homme-patient-antonio-de-la-torre-luis-callejo

Ce qui nous amène au deuxième mot important du titre : « L’homme ». Là encore Raúl Arévalo prend un parti pris intéressant en focalisant son récit sur ses personnages. Que cela soit dans sa construction avec, pour en revenir sur l’histoire des chapitres, deux chapitres portant le nom de personnes : Ana et Curro, le mari d’Ana ayant fait de la prison. Mais c’est surtout au travers de sa mise en scène que cette mise en avant de l’homme va être la plus flagrante. Le cinéaste espagnol ne va donc pas hésiter à sacrifier tout sens du spectaculaire pour se placer au plus près de ses personnages. La première séquence du film en est symptomatique. Elle nous place sur la banquette arrière du véhicule de Curro, qui joue le rôle du conducteur attendant le retour de ses complices braqueurs. Au lieu de nous offrir une course poursuite comme bon nombre de thrillers ont le loisir de le faire, Raúl Arévalo va laisser sa caméra sur cette banquette arrière tout le long de la poursuite entre Curro et la police. Résultat on se retrouve avec un plan séquence donnant une forte d’impression d’immersion et nous permettant de vivre ce moment capital pour la vie de Curro au plus près de lui. Ce n’est bien évidemment pas le seul exemple et de nombreux effets du même style vont être utilisés tout au long du film pour garder cette proximité avec ses personnages. Parmi les plus importants on retrouve donc les cadrages très serrés sur les protagonistes, Arévalo n’ayant que très rarement recours au plan large, ou ces longs passages en caméra épaules où le réalisateur va suivre de dos son personnage lors de ses rendez-vous habituels ou de sa croisade vengeresse.

Ce qui nous amène forcément au dernier mot qui est également le titre du dernier chapitre et qui va occuper toute la dernière heure du film : « La colère ». Car oui, La colère d’un homme patient est avant tout un film de vengeance. La vengeance d’un homme sans histoire qui a tout perdu au cours d’un braquage, et qui va tout faire pour faire payer les responsables. Accompagné de Cuarro, José va donc partir en quête de ces hommes et sa vengeance va prendre l’allure d’un road-trip nihiliste où José n’a qu’une seule envie, en finir avec cette histoire. Le rythme imposé par Arévalo est toujours présent, et permet de rendre les rencontres entre José et ses victimes particulièrement pesantes. Cela s’exprime grâce à de longues discussions rendant l’atmosphère lourde par l’insouciance de la victime qui ne sait pas qu’une épée de Damoclès traîne au-dessus de sa tête. C’est alors à ce moment que la colère prend tout son sens avec ces éclairs de violences brutaux qui rompent avec le reste du film. Malgré ces ruptures particulièrement efficaces, la quête vengeresse de José reste des plus classiques.

La colère d’un homme patient offre donc un traitement particulier du thème de la vengeance. Se concentrant avant tout sur les personnages, le cinéaste Raúl Arévalo essaie d’offrir un réalisme des plus saisissants et cela même au travers du grain de l’image. Malheureusement son histoire assez simpliste avec des retournements un peu facile, ainsi que son rythme exigeant empêchent de rendre le film véritablement marquant. 

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La colère d’un homme patient : Bande-Annonce

La colère d’un homme patient : Fiche technique

Titre original : Tarde para la ira
Réalisation : Raúl Arévalo
Scénario : Raúl Arévalo, David Pulido
Interprétation : Antonio de la Torre ( José), Luis Callejo ( Curro), Ruth Diaz ( Ana), Manolo Solo ( Triana), Alicia Rubio (Carmen), Raúl Jiménez ( Juanjo)
Musique : Lucio Godoy
Photographie : Arnau Valls Colomer
Sociétés de production : La Canica films, Radio Telivision Espanola
Durée : 92 min.
Genre : Thriller
Date de sortie : 26 Avril 2017
Espagne– 2016