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Jumanji : Bienvenue dans la Jungle [Critique du film]

A peine échaudé par le flop du Ghostbuster de 2016, Sony en remet une couche en produisant Jumanji : Bienvenue dans la Jungle. Mais il-y-a Dwayne Johnson dans le film! Qu’est ce qui pourrait mal tourner?

Alors suite ? Remake ? Reboot ? À la fois tout et rien de cela. Ce nouveau Jumanji n’entre même pas dans la nouvelle catégorie des legasequels, où les nouveaux personnages marchent sur les traces de leurs ainés tout en les rencontrant (type Le réveil de la force ou La vengeance de Salazar). Au final, le film aurait pu s’appeler Bienvenue dans la jungle, sans être obligé de se greffer arbitrairement sur Jumanji. Il aurait pu lui rendre hommage, comme à d’autres films d’aventures jeunesses, sans pour autant se bloquer dans une mythologie dont il semble se contrefoutre (le nom d’Alan Parish est prononcé une fois dans le film). Mais voilà, l’heure est à la nostalgie commerciale, et malgré les échecs que cette stratégie peut engendrer (souvenons nous de l’accueil réservé à Ghostbusters version 2016), les studios semblent toujours sûr de tenir un filon juteux. Nous verrons si cela paye, mais vu la qualité du bousin, nous pouvons émettre quelques doutes, car même s’il ne rentre dans aucunes des catégories susnommées, le film ne sort pas de nul part.

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Hasard du calendrier, si le film était sorti en janvier, tout le monde s’en foutrait. Mais il est sorti en décembre et donc tombe à pic pour faire le bilan d’une année blockbuster particulièrement pauvre en inventions visuelles et audaces scénaristiques. Jumanji : Bienvenue dans la Jungle aurait pu être le genre de long-métrage prompt à finir rapidement dans les bacs à 10 euro de la FNAC qu’un acheteur non averti prendrai juste pour compléter son offre de 5 DVD pour 30. Mais tel le Statham du riche, Dwayne Johnson nous a offert pas moins de trois films avec sa tronche sur l’affiche (Fast & Furious 8, Baywatch et celui-ci), une telle générosité ne peut laisser indifférent. Ainsi, ce n’est que justice de faire de lui le symbole de cette année 2017.

Un jeu inoffensif

Alors oui, Dwayne Johnson est cool et a l’air super sympa. Mais il faut admettre que sa filmographie, à base de musculature prise au second degré, commence un peu à tourner en rond. Même son superbe lever de sourcil ne surprend plus personne. Et cet énième long-métrage action/aventure à sa gloire n’offre rien de nouveau à ce niveau- là. Si l’argument body swap du film aurait pu nous laisser le doute quand à une éventuelle prise de risque, nos ardeurs (minimes avouons-le) sont vites refroidies. Passé l’introduction qui nous présente un quatuor d’ados cliché sorti d’un mauvais remake de Breakfast club, les stars censées les représenter dans le jeu semblent oublier rapidement leur rôle pour revenir dans leur zones de confort. Johnson fait du Johnson, Kevin Hart fait du Kevin Hart, Karen Gillian fait des high kick et Jack Black force sur les aiguës. Nous pouvons toujours essayer de creuser vers une critiques acide des représentations normées dans le jeu vidéo, mais le film est tellement inoffensif que le gag le plus discursif est la présence de Nick Jonas dans le rôle d’un mec ringard des années 90. Quelle dérision !

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Ne sortant jamais des sentiers battus, ce Jumanji 2.0 finit par embarrasser avec ses appels du pied insistants dirigés vers la génération youtube. Problème : le quatuors de quinquagénaires chargé du scénario n’a, au pire, jamais touché une manette, au mieux, pas encore admis que la génération 16 bits a presque vingt ans dans la tronche. Et vu la qualité du scénario, essayer de leur expliquer qu’un jeu vidéo n’est pas qu’une histoire de niveaux à passer, d’ items à ramasser ou encore de PNJ limités en interactions, ressemble à une bataille déjà perdue d’avance. Ils auraient pu jouer sur le principe de mort/résurrection qu’avait si bien utilisé Doug Liman dans Edge of Tomorrow pour offrir au réalisateur l’occasion d’un montage ludique. Les scénaristes auraient pu profiter du point de départ pour doubler l’histoire avec une autre intrigue où les avatars prendraient le corps des joueurs dans le monde réel (et ainsi éviter de sacrifier facilement un casting de jeunes premiers auxquels on a pas le temps de s’attacher). Plus simple encore, équilibrer les compétences de chacun des personnages aurait permis d’ offrir au moins un vrai film d’aventure qui lorgnerait plus du côté d’Indiana Jones que de Flynn Carson.

Excès de confiance

Mais les scénaristes ont ce nouveau truc imparable pour nous faire plaisir : l’humour méta. Passage obligé de toute comédie américaine récente, les films doivent maintenant être self-conscious. Donc nous regarder droit dans les yeux toute la séance et nous bombarder de clins d’œil pour nous faire comprendre qu’ils savent très bien que ce qu’ils font est débile. Mais puisque c’est fait exprès, c’est forcément drôle ! Comme c’est pratique. Plus besoin aujourd’hui d’essayer de rendre l’impossible vraisemblable, puisque de toute façon même les personnages ne croient plus ce qu’ils vivent. La post-modernité est enfin poussé à son seuil maximal de rentabilité… Chouette !

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Sauf que ce qui était autrefois une marque de respect envers le spectateur plus vraiment dupe commence de plus en plus à ressembler à de la paresse créative. Inutile de créer un univers cohérent, puisque d’entrée de jeu on nous annonce qu’il est factice. Pourquoi développer des personnages quand ceux-ci n’ont d’autre intérêt que d’être des caricatures ? Pourquoi expliquer certains point d’intrigues puisque les fans combleront les trous eux-mêmes avec leur imagination (oui Star Wars 8 je te met dans le même panier) ? Au final, pourquoi écrire un scénario, puisqu’il suffit de mettre bout à bout des péripéties sans queue ni tête tout en insistant sur le « second degré » ? À l’ère de la spoilerophobie, où le scénario est tellement vénéré que la moindre révélation ternirait son éclat, voire une telle paresse intellectuelle à l’œuvre relève du paradoxe vertigineux.

Mais quand les effets numériques n’impressionnent plus personne et que les réalisateurs baissent les bras face à des producteurs de moins en moins sûrs d’eux, il ne reste que l’histoire pour divertir. Sauf que même les scénaristes se contentent de signer à huit ou douze mains des intrigues bancales pour encaisser leur chèques et comblent leur lacunes par un second degré prétentieux. Voilà l’état du blockbuster en 2017 et voici ce qu’est Jumanji : Bienvenue dans la jungle. Le filon du combo action/humour/méta s’est trouvé bien vite épuisé, et avec les possibilités vendues par les acteurs du numériques depuis des années, il serait peut-être intéressant de passer à autre chose. Pour que le cinéma ne reste pas cet espace cynique qu’il est devenu, mais redevienne une porte vers tout les possibles et tout les imaginaires. Nos enfants aussi ont le droit d’avoir leur machine à rêve. Question de santé artistique : dites non au cynisme!

Jumanji : Bienvenue dans la jungle : Bande-annonce

Synopsis : Le destin de quatre lycéens en retenue bascule lorsqu’ils sont aspirés dans le monde de Jumanji. Après avoir découvert une vieille console contenant un jeu vidéo dont ils n’avaient jamais entendu parler, les quatre jeunes se retrouvent mystérieusement propulsés au cœur de la jungle de Jumanji, dans le corps de leurs avatars. Ils vont rapidement découvrir que l’on ne joue pas à Jumanji, c’est le jeu qui joue avec vous… Pour revenir dans le monde réel, il va leur falloir affronter les pires dangers et triompher de l’ultime aventure. Sinon, ils resteront à jamais prisonniers de Jumanji…

Jumanji : Bienvenue dans la jungle : Fiche technique

Titre original : Jumanji : Welcome to the Jungle
Réalisation : Jake Kasdan
Scénario : Zach Helm, Chris McKenna, Jeff Pinkner, Scott Rosenberg et Erik Sommers, d’après Jumanji de Chris Van Allsburg
Direction artistique : Steve Cooper
Décors : Owen Paterson
Costumes : Laura Jean Shannon
Photographie : Gyula Pados
Montage : Steve Edwards
Musique : Henry Jackman
Production : Ted Field, William Teitler, Matthew Tolmach et Mike Weber
Coproduction : Hiram Garcia
Production déléguée : Lauren Selig
Sociétés de production : Matt Tolmach Productions, Radar Pictures, Seven Bucks Productions et Sony Pictures Entertainment
Sociétés de distribution : Columbia Pictures (États-Unis), Sony Pictures Releasing France (France)
Pays d’origine :  États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur – 35 mm
Genre : fantastique, aventure
Durée : 119 minutes
Dates de sortie : France : 20 décembre 2017 – États-Unis : 22 décembre 2017

Redacteur LeMagduCiné