Gorge Cœur ventre, le premier film prometteur d’une réalisatrice qui laisse s’exprimer les animaux.
Synopsis : Les bêtes arrivent la nuit.
Elles sentent.
Elles résistent.
Avant l’aube, un jeune homme les conduit à la mort.
Son chien découvre un monde effrayant qui semble ne jamais devoir s’arrêter.
La voix de l’animal
Un jeune homme se lève dans son refuge sous les rayons chauds et lumineux d’un matin d’été. Rien ne laisse soupçonner les atrocités qui se sont déroulées avant l’aube. Son plus fidèle compagnon -son chien- lui, le sait et n’a certainement pas pu fermer l’œil de la nuit. Thomas travaille dans un abattoir, c’est lui qui libère les bêtes de leur joug pour mieux les conduire dans le lieu sacrificiel où elles seront vidées de leur sang puis découpées. Si l’homme pratique ce métier machinalement en se détachant du poids de la torture et de la mort, l’animal ne peut rester insensible aux regards et aux cris de détresse de ses congénères que l’on s’apprête à tuer. C’est ce sentiment qu’a voulu retranscrire la réalisatrice Maud Alpi dans son premier film.
Jugeant certainement l’abattoir indigne de l’homme, la réalisatrice a préféré abaissé sa caméra à hauteur d’animal. Le chien de Thomas est le véritable personnage de ce film qui vous prend à la gorge, au ventre mais aussi au cœur. La caméra placée à sa hauteur permet d’adopter le point de vue de l’animal sur ces animaux que l’on assassine.
C’était sans doute ce qui manquait pour dénoncer la problématique des abattoirs sans se laisser aller jusqu’à la dénonciation facile et surtout déjà-vu avec des images chocs. À aucun moment dans Gorge Cœur Ventre nous assistons à une mise à mort, toujours laissée hors-champs. La caméra suit les animaux dans un couloir de la mort et s’arrête au seuil de la salle de torture. La réalisatrice préfère nous rappeler que les animaux ont des sentiments et ressentent les choses, en particulier la funèbre odeur de mort. La mise en scène de Maud Alpi capte la peur dans les yeux des vaches et l’horreur dans ceux du chien. Et du regard de l’animal domestique on perçoit également la détresse de l’homme, dont le poids des cris de morts des animaux se fait de plus en plus lourd.
Davantage qu’un film dénonçant l’horreur des abattoirs, Gorge Cœur Ventre adopte un dispositif très original et capte l’invisible. Construit comme un documentaire, le film va, pour notre plus grand bonheur de spectateur, lorgner vers un pur fantastique grâce à une mise en scène extrêmement pensée. D’abord didactiques, ces images naturelles virent surnaturelles lorsque la mise en scène laisse les animaux s’exprimer, à travers des regards et des gestes. Puis de nouveau au moment où le chien de Thomas s’évadera de son emprise de l’homme vers une sorte de monde parallèle aux airs de paradis animal.
Grâce à une construction purement cinématographique, le film de Maud Alpi donne la parole à ceux que l’on n’entend pas et à qui notre Code Civil accordait il n’y a même pas deux ans les mêmes droits qu’à de simples meubles.
Gorge Cœur Ventre : Bande-annonce
Gorge Cœur Ventre : Fiche Technique
Réalisation : Maud Alpi
Scénario : Maud Alpi, Baptiste Boulba-Ghigna
Interprétation : Virgile Hanrot, Dimitri Buchenet
Photographie : Jonathan Ricquebourg
Montage : Laurence Larre
Décors : Hervé Coqueret
Production : Mathieu Bompoint
Distributeur : Shellac
Durée : 88 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 16 novembre 2016
France – 2016