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Godzilla 2: Roi des monstres, le prétendant au trône des nanars

Frédéric Perrinot Rédacteur LeMagduCiné

Godzilla 2: Roi des monstres est l’exemple typique du film qui n’arrive pas à être à l’égal de son excellente campagne promotionnelle. Entre divers visuels somptueux et des bandes annonces aux tons désespérés, on était en droit de l’attendre comme le blockbuster de l’année. Le résultat des courses est un film abrutissant, lourd et dont les jolis money shots ne servent qu’à alimenter une machine qui tourne à vide.

Synopsis : L’agence crypto-zoologique Monarch doit faire face à une vague de monstres titanesques, comme Godzilla, Mothra, Rodan et surtout le redoutable roi Ghidorah à trois têtes. Un combat sans précédent entre ces créatures considérées jusque-là comme chimériques menace d’éclater. Alors qu’elles cherchent toutes à dominer la planète, l’avenir même de l’humanité est en jeu…

Pourtant bien lancé en 2014 avec le très bon Godzilla de Gareth Edwards, film n’ayant pas fait l’unanimité malgré un vrai parti pris et de superbes qualités, le MonsterVerse avait un peu tourné en eau de boudin avec le ridicule Kong: Skull Island. Même si le projet de faire un univers où différents monstres de cinéma pourraient joyeusement s’affronter s’avérait être un vrai rêve de geek, l’exécution de ce dernier laisse à désirer. Kong était un film qui avait le mérite d’être régressif et de jouer la carte du second degré, même s’il était désincarné, écrit avec les pieds et dont la succession de money shots tapageurs agaçait, à force d’être au service de rien. Mais il y avait espoir avec ce nouveau Godzilla, d’abord car il fut confié à Michael Dougherty, jeune réalisateur prometteur qui avait livré un charmant Krampus, et surtout car l’univers du célèbre monstre reposait sur des bases solides dont cette suite devait juste reprendre les fondations. Pourtant, Godzilla 2: Roi des monstres va finir par lorgner plus du côté de Kong sans pour autant choisir sa voie, n’ayant jamais l’épique brutalité de son prédécesseur ni l’aspect régressif de Kong.

Le film affiche d’ailleurs dès son introduction, et ce dans chacun de ses aspects, son intention de s’attirer les foudres des détracteurs du premier en montrant clairement un travail de déconstruction et de moquerie assez agaçant. N’assumant jamais pleinement son héritage, se moquant ouvertement de certains de ses ressorts narratifs, notamment quand il accumule les blagues lourdes sur la sexualité des Titans, et surtout, sur le plan visuel, lorsqu’il montre ses monstres de manière frontale sans jamais créer le moindre mystère autour. La démarche s’avère contraire à toute logique, créant un univers qui se construit sur ses propres incohérences et apparaît plus que jamais comme une machine qui tourne à vide, dénuée de la moindre idée. Godzilla 2: Roi des monstres est en plus paradoxal tant il détruit toute la mythologie du premier film tout en se voulant incroyablement fidèle à son esthétisme, même si il n’en comprend jamais les forces. C’est un produit de surenchères, où Dougherty a compris que le climax apocalyptique du film de Edwards avait fait sa renommée au point où il décide de reproduire cette intensité visuelle tout au long de son propre film. Mais le climax du Godzilla de 2014  fonctionnait justement car il était doucement amené tout au long de l’intrigue, au point d’atteindre une rareté appréciable, d’autant qu’il adoptait un point de vue intimiste au milieu de ce gigantisme des affrontements. On avait le sentiment d’être noyé avec les personnages dans ce carnage cataclysmique.

Ici, le film n’a aucun rapport d’échelle, Michael Dougherty filme ses monstres comme il filme les humains, au détriment de tout sentiment de gigantisme. Plus encore, les très beaux money shots des bandes annonces ont tous justement été dévoilés par avance, et n’ont clairement pas l’intensité promise. Au contraire, ce sont souvent des moments poseurs et pensés pour faire bien dans un trailer, sans pour autant conférer une quelconque utilité au film. De plus, à multiplier les situations apocalyptiques, le rythme devient redondant et la mise en scène s’avère plus essoufflante que véritablement impressionnante. Techniquement, la photographie oscille entre le très beau et le fade tout comme les effets spéciaux pas si réussis que cela. Godzilla 2: Roi des Monstres a un côté plus factice et moins tangible que son aîné et le tout n’est pas aidé par des affrontements certes plus présents mais brouillons et dénués de toute chorégraphie. Dougherty ne sait jamais comment utiliser son décors ou dynamiser ses combats et les monstres luttent tels des pochtrons qui s’embrouillent lors d’une soirée alcoolisée, loin de la brutalité et de la précision insufflées par Edwards. On n’aura donc rien à se mettre sous la dent avec ces affrontements assommants, et on ne peut pas compter sur la stupidité du scénario pour remonter le niveau.

On retrouve l’archétype de la famille brisée par un trauma, comme dans le premier,  mais l’émotion en moins, et le tout sert de festivités à un enchaînements de dialogues plus improbables et ridicules les uns que les autres. Le film se noie d’ailleurs sous beaucoup trop de rebondissements invraisemblables et exécutés comme pour la pire des séries Z. Que ce soit avec ces méchants qui sortent tout droit d’un film de Steven Seagal, des motivations de personnages risibles qui nous ressortent la carte de l’équilibre planétaire sous fond d’extermination humaine, ou encore une narration qui avance grâce à la cécité des personnages, l’écriture atteint un niveau de fainéantise qui tient de l’exploit. Le film de Dougherty est un véritable enfer à suivre au point qu’il ne faut pas plus de 15 min pour qu’on se mette à joyeusement rire à ses dépens. Le tout n’étant pas en plus aidé par un casting au chômage, où les acteurs semblent au mieux s’en foutre et affichent clairement leur volonté de payer leurs factures, le plus gênant étant probablement pour Millie Bobbie Brown. Le film a non seulement été beaucoup trop vendu sur elle pour surfer sur la vague Stranger Things alors que son personnage reste très secondaire, mais surtout l’actrice y croit beaucoup et déploie bien trop d’énergie pour nous démontrer qu’elle est mauvaise. Sa performance d’un sérieux papal et constamment forcée s’avère très vite gênante.

Godzilla 2: Roi des monstres avait tous les espoirs pour être le roi des blockbusters d’une cuvée 2019 pourtant assez faiblarde en la matière. Finalement il est bien plus le prétendant au titre du pire film de l’année. Ecrit avec une stupidité qui dépasse l’entendement, mal joué ou sous-joué à tous les niveaux, sans que l’on ne puisse jamais compter sur son spectacle, trop brouillon et redondant pour venir livrer le moindre frisson. Le visionnage en devient inconfortable et beaucoup trop long au point de finir par rire aux éclats de son ridicule. Rien à sauver dans ce Godzilla 2: Roi des monstres, ou si peu, car il reste quelques money shots plutôt jolis et inspirés. Dommage qu’ils soient juste au service de rien et qu’ils traduisent au final un produit bien plus pensé comme une démarche commerciale plutôt que comme une œuvre artistique. Godzilla étant à l’origine un monstre foisonnant de sens, un véritable cri d’alerte à l’encontre du nucléaire et symbolisait le trauma d’une nation. Un geste politique grandiose et fort. Le voir réduit à ce qu’il est aujourd’hui est juste déchirant.

Godzilla 2: Roi des monstres : Bande annonce

Godzilla 2: Roi des monstres : Fiche technique

Titre original : Godzilla: King of the Monsters
Réalisation :
Scénario : Max Borenstein, Michael Dougherty et Zach Shields, d’après Godzilla, Mothra, Rodan et King Ghidorah, créés par Tomoyuki Tanaka et Tōhō
Casting : Kyle Chandler, Vera Farmiga, Ken Watanabe, Sally Hawkins, Millie Bobby Brown, Charles Dance, Zhang Ziyi,…
Décors : Scott Chambliss
Photographie : Lawrence Sher
Montage : Roger Barton
Musique : Bear McCreary
Producteurs : Alex Garcia, Mary Parent, Brian Rogers et Thomas Tull
Production :  Legendary Pictures ; Wanda Qingdao Studios et Warner Bros.
Distributeur : Warner Bros.
Durée : 132 minutes
Genre : Science-fiction
Dates de sortie : 29 mai 2019

États-Unis – 2019

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