Voici donc Gangsterdam, objet de scandale. Un film « abominable » selon certains, « prônant la culture du viol » pour d’autres. Et s’il s’agissait juste d’une simple comédie ratée comme il en sort des dizaines en France tout les ans? Et est-ce que l’on a pas mieux à faire que chercher la racine de tous les maux de la société dans le dernier film avec Kev Adams?
Synopsis: Ruben, Durex et Nora sont trois étudiants, en dernière année de fac. Ruben a peu confiance en lui. Du coup, il a déjà raté une fois ses examens et n’ose pas avouer ses sentiments à Nora. Ruben découvre que Nora deale de la drogue et qu’elle va se rendre à Amsterdam, pour ramener un tout nouveau «produit». Ruben décide de l’accompagner, pour enfin la séduire. Mais c’était sans compter son ami d’enfance, l’envahissant Durex. Là-bas, ils vont découvrir une ville complètement folle et les choses vont se compliquer quand ils vont être en contact avec les plus grands criminels d’Amsterdam.
Au grand dam de tout le monde…
Nouvelle ritournelle du cinéma français, chaque film avec Kev Adams amène son lot de réactions épidermiques. Entre une fanbase manifestement acquise à sa cause et ses détracteurs qui l’ont transformé en némésis du bon goût, on s’étonnera qu’un jeune acteur qui semblait ne rien demander à personne se retrouve malgré lui au centre de l’éternel combat entre culture populaire et culture savante. Et tout cela commence à devenir franchement ridicule.
Après Les Profs, Les Profs 2 et Les nouvelles aventures d’Aladin, le nouvel objet du délit s’appelle donc Gangsterdam. Si la fanbase reste pour l’instant silencieuse, côté détracteurs on passe à la vitesse supérieure. Ce n’est plus au tournant que l’on attend le jeune comédien mais carrément devant la porte du garage. Quelques bandes annonces, deux trois avant-premières et le mal est fait, le nouveau film de Kev Adams serait LE manifeste d’une panophobie toute franchouillarde (homophobie, racisme, sexisme et tutti quanti) avec le coup de grâce final : le film ferait l’apologie du « viol sympathique ».
Crevons donc l’abcès d’entrée de jeu. Oui il y a des blagues racistes et homophobes dans le film, un certain nombre en effet. Elles sont quasiment toutes le fait d’un seul personnage, le meilleur ami du héros répondant au doux prénom de Durex et explicitement décrit comme «raciste, homophobe, sexiste» pour finalement se révéler homosexuel refoulé, qui s’invente un personnage ultra-macho. Dans cette optique de caractérisation d’une jeunesse en perte de repères fixes, la tension constante entre l’envie d’être un «bonhomme» et une sensibilité plus délicate par moments est un rouage de comédie valide aux potentialités énormes. Bien utilisée, la tension entre les deux extrêmes peut dans certains cas déboucher sur des situations cocasses. Mais sinon le type est cintré et s’appelle Durex… Que vous faut-il de plus pour comprendre qu’il n’est pas à prendre au sérieux ? Un carton indicatif en début de film ? Quant à la séquence de viol qui aura tant fait couler d’encre, oui on peut la trouver marrante tant la suggestion désamorce complètement la montée dramatique et l’esprit de sérieux qui risquaient de plomber le dernier quart du film en substituant une situation inextricable à une autre encore plus aberrante. Bien sûr que tout le monde ne trouvera pas ça drôle, mais reprocher à Gangsterdam de faire l’apologie du viol tout en envoyant ses louanges à Pulp Fiction, aux 8 Salopards et aux derniers James Bond (qui pratiquent le même genre de désinvolture avec une gratuité encore plus affirmée), c’est porter la mauvaise foi à un niveau plutôt élevé. Où étaient ceux qui râlent aujourd’hui quand Samuel L. Jackson racontait avec jubilation le même genre de sévices pas plus tard qu’en janvier dernier?
Pour en finir avec ça, chercher à dénoncer publiquement la bassesse morale du film, c’est aussi nier l’obligation de la comédie d’aller chercher sa substance dans les marges du bon goût. C’est aussi admettre que le mépris que les tenants du « grand cinéma » disent porter à Kev Adams semble être plutôt un mépris de son public auquel ils refusent d’admettre une capacité de distanciation. Tous les spectateurs d’un film de l’acteur seraient-ils si décérébrés que l’on devrait avoir peur de les voir sortir de la salle en rut pour sauter sur tout ce qui bouge ? Faudrait-il un permis spécial pour pouvoir profiter d’une comédie un peu trash et subversive ? La critique n’a pas à faire un travail de censure et cette micro polémique nous donnerait presque envie de défendre le film et le porter comme étendard contre la culture officielle. Mais encore faudrait-il lui trouver des qualités.
Loué en 2012 pour Radiostar, ego/road trip sympatoche avec Manu Payet, Romain Levy, qui semblait être une nouvelle voix fraîche dans le paysage de la comédie française, ne transforme pas l’essai. Voulant marcher dans les pas de Guy Ritchie en tentant le canevas entre comédie de mœurs et film de gangsters, il se prend malheureusement les pieds dans le tapis en affichant une mauvaise gestion du rythme, un découpage brouillon des fusillades et une écriture pas toujours cohérente des personnages. Plutôt que de faire le choix d’un vrai film de flingue assaisonné par des pastilles comiques, Levy prend le parti de la comédie sur laquelle il applique un verni «action pop corn» un peu grossier. Reprenant ça et là des gimmicks vus ailleurs, comme l’utilisation de Freebird sur un gunfight ou encore des plans bateaux qui seraient du plus bel effet dans une pub Chanel. La mise en scène manque donc de cette cohérence qui éviterait que la moitié des blagues tombe à plat. Et malgré quelques idées intéressantes utilisant la barrière de la langue ou la confusion des genres (plusieurs moments montrent les rôles « prédéfinis » s’inverser), le gag le plus réussi reste une blague de prout qui s’étire sur une dizaine de minutes. Accordons au moins ça au crédit du film en espérant que cela ne devienne pas une marque de fabrique du réalisateur.
Côté acteurs le trio principal s’en tire tout de même avec les honneurs. Kev Adams quant à lui reste un objet paradoxal. Assez lourdingue quand il reproduit ses éternelles mimiques d’ado naïf mais tout de suite plus sympathique lorsque qu’il tente un registre un peu plus mature de mec blasé dépassé par les événements. Le problème ne vient peut être pas de lui mais des rôles qu’on lui écrit. Il serait peut-être judicieux de tenter le coup du contre-emploi, qu’il nous montre un peu ce qu’il a dans le ventre, car après tout, si son succès est fulgurant, sa carrière n’en est encore qu’à ses débuts. Côté seconds couteaux, on retiendra un sympathique Patrick Timsit en père prof de physique gentiment à la ramasse, un Manu Payet finalement amusant en caïd germanopratin délicat et Hubert Koundé plutôt crédible en arnaqueur à la petite semaine. Pas de véritable révélation à l’horizon, mais pas non plus de couacs notables.
Gangsterdam n’est finalement pas grand chose. Ce n’est pas le renouveau de la comédie française. Ce n’est pas non plus le pamphlet homophobe et sexiste que certains voudraient qu’il soit (il reste moins dérangeant que, par exemple, Projet X qui était emprunt d’un racisme qui ne disait pas son nom). Ce n’est pas non plus la réalisation de ce fantasme inavouable de cinéphile de voir Patrick Timsit donner la réplique à Rutger Hauer. Certains aimeraient que Gangsterdam soit beaucoup de choses, mais ce ne sera jamais plus qu’une comédie française moyenne dont le seul défaut aura été d’être parfois maladroite et pas toujours claire dans ses intentions premières.
Gangsterdam : Bande-annonce
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Gangsterdam : Fiche technique
Réalisateur : Romain Levy
Scénario : Remy Four, Romain Lévy, Mathieu Oullion et Julien War
Interprétation : Kev Adams, Côme Levin, Manon Amez, Manu Payet, Patrick Timsit, Ruthger Hauer…
Musique : ROB
Producteurs : Alain Attal
Distribution : Studiocanal
Durée : 100 min
Genre : comédie, action
Date de sortie : 29 mars 2017
France – 2017
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