It Follows, un film de David Robert Mitchell – Critique

Comme la plupart des genres bien définis du 7ème art, l’horreur est un sujet difficile à maîtriser. Difficile en effet de sortir des terrains battus et de se créer une identité propre tout en respectant les codes établis depuis les débuts du cinéma. Si le genre semble en ce moment moribond, particulièrement aux États-Unis, où les franchises ont pris le pas sur la recherche d’innovation, quelques perles restent à découvrir. Récemment, Mister Babadook avait ainsi généré une certaine curiosité par son côté ovni, ne ressemblant guère aux productions actuelles. It Follows rentre dans cette catégorie de films à part, agréable vent de fraîcheur au milieu des Paranormal Activity 15, Annabelle ou autres Insidious.

Synopsis : Après une expérience sexuelle apparemment anodine, Jay se retrouve confrontée à d’étranges visions et  l’inextricable impression que quelqu’un, ou quelque chose, la suit. Abasourdis, Jay et ses amis doivent trouver une échappatoire à la menace qui semble les rattraper…

Tout ce que vous avez toujours craint du sexe sans jamais oser l’avouer

Tout comme son prédécesseur Australien, It Follows tente une approche plus intelligente du genre, utilisant tous les clichés qui lui sont associés tout en les détournant à son profit. Il est tout de même bien plus didactique, moins obscur et plus direct que Babadook, tout en restant ouvert à l’analyse et aux interprétations. Son postulat de départ à lui seul pourrait faire l’objet d’un débat. David Robert Mitchell cherche-t-il à faire l’apologie d’une vision très vieux jeu et chaste du sexe, ou essaie-t-il au contraire de désacraliser la chose ? Crée-t-il des puritains ou des libertins ?

Comme beaucoup de slashers, ou à l’instar de l’un des plus grands films d’horreur de tous les temps, It Follows tourne autour du passage à l’âge adulte, de la découverte de la sexualité et des émois et questionnements que cela peut entraîner. Le scénario n’a en cela pas grand chose de très novateur dans le fond, mais reste surprenant dans sa forme en proposant une approche novatrice, bien moins directe que certains de ses modèles. Les personnages sont d’ailleurs globalement bien mieux construits et bien plus crédibles que la plupart des adolescents lambda présents dans ces productions. Même si on n’échappe pas, une nouvelle fois, à certains décisions franchement irrationnelles.

La peur se vit au grand jour

Là où Mitchell se distingue, surtout, c’est par sa réalisation. Une mise en scène sobre, lente, faite de cadres travaillés, de mouvements de caméras au millimètre et d’un montage à l’avenant. On est loin des avalanches de gros plans et inserts censés distiller la terreur en disant au spectateur où regarder. Ici, au contraire, la peur naît de ces espaces ouverts et indéchiffrables, dans lequel le danger peut surgir de nul part. L’impression sourde d’angoisse qui en ressort est le reflet de celle de l’héroïne, traquée dans ses moindres déplacements, et qui ne sait jamais d’où va arriver le danger. Tout dans la suggestion, rien ou si peu dans le frontal.

On pense bien sûr à Carpenter dans le style, et l’influence du maître se ressent effectivement tout au long du film. Dans la présence de la musique, aussi, capitale, parfois un peu envahissante, mais toujours parfaitement utilisée pour faire s’accélérer le rythme cardiaque. Car It Follows, contrairement à beaucoup de ses rivaux, parvient véritablement à créer une sensation de malaise en se basant uniquement sur son univers à la fois onirique et réaliste, et déclenchant la terreur sans forcer ses effets. Si le dernier quart du film, plus direct, est un peu moins maîtrisé, il ne suffit pas à gâcher cette vraie bonne surprise, un film d’horreur qui parvient enfin à faire peur sans être racoleur. La scène de fin risque de vous hanter pour encore quelques temps.

It Follows – Fiche Technique

USA – 2015
Horreur
Réalisateur : David Robert Mitchell
Scénariste : David Robert Mitchell
Distribution : Maika Monroe (Jay), Keir Gilchrist (Paul), Daniel Zovatto (Greg), Jake Weary (Hugh), Lili Sepe (Kelly), Olivia Luccardi (Yara)
Producteurs : Rebecca Green, David Kaplan, Erik Rommesmo, Laura D. Smith
Directeur de la photographie : Mike Gioulakis
Compositeur : Disasterpeace
Monteur : Julio C Perez
Production : Animal Kingdom, Northern Lights Films, Two Flints
Distributeur : Metropolitan FilmExport

Auteur : Mikael Yung