Porté par un grand casting peu inspiré et une voix off éreintante, Des Hommes peine à émouvoir et faire ressurgir cette flamme de culpabilité qui suinte de son récit.
Des Hommes ne permet malencontreusement jamais à son récit de respirer ou de faire vivre ses images. Jouant la carte d’une voix off omniprésente qui explicite ce que l’on semble deviner à l’écran, le film se perd en verbiage, en formules maladroites et perd toute saveur viscérale. Adaptant l’œuvre de Laurent Mauvignier, Lucas Belvaux dévoile de belles intentions : parler d’un mal être qui dépasse le temps, de la culpabilité qui ne s’éteint jamais, des effrois de la guerre et de parler d’une France qui se déchire. C’est d’autant plus dommageable que Des Hommes s’avère assez bien découpé, d’un point de vue narratif, entre les heurts d’un village qui voit des fractures communautaires et des violences racistes se dessiner, combinés avec des flashbacks alimentant les souvenirs d’une guerre d’Algérie dont la violence n’aura fait aucun vainqueur mais que des perdants.
Voulant faire souffler un cinéma social, traçant les traits d’une société provinciale en proie en doute, Lucas Belvaux semble malheureusement particulièrement distant par rapport à son sujet, dénonciateur sans jamais vraiment l’être, comme s’il n’y avait aucun pilote à bord de l’avion : rien n’y fait, le film semble porter à chaque scène ou chaque dialogue sur ses épaules un poids bien trop lourd. Ce film choral, qui voit se combiner les voix off, les errances et les différences de point de vue, surligne son cahier des charges rempli de passages obligés. Que cela soit par le biais d’un jeu d’acteur forcé et ankylosé malgré son casting 3 étoiles, une mise en scène usant parfois de ralentis pas toujours bienvenus, un récit en bout de course qui préfère se gargariser de ses mots plutôt que de réellement faire ressentir les émois de ses protagonistes, Des Hommes reste à quai.
L’utilisation d’une voix off ou l’inspiration de la récitation épistolaire ne sont pas des problèmes en soi, et nous avons pu le remarquer dans l’immense Trois souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin, sauf qu’ici, les mots n’accompagnent pas le cadre mais s’y substituent, effaçant toute présence de chaque individu, délimitant toute incarnation quand celle-ci n’est pas outrancière (vociférant Gérard Depardieu). Les séquences se déroulant en Algérie, qui sont sans doute les meilleures du film, à la fois par le biais de son espace, de sa lumière ou de par son convaincant jeune acteur Yoann Zimmer, font parfois penser à l’extatique et mutique Les Confins du Monde de Guillaume Nicloux.
Mais là où ce dernier affichait une aridité vorace, quitte à ce qu’elle soit incommodante, Lucas Belvaux ne fait jamais parler les cœurs ni le silence. Toute trace de sentiments, toute once d’intimité ou de culpabilité se noient dans des discours intempestifs qui nuisent à la fluidité du récit. Le film est un peu à l’image de son acteur phare Gérard Depardieu : imposant, habité et débordant souvent du cadre, mais paraissant dépasser par ses premières intentions, celles de montrer par le prisme du cinéma, le poids des regrets. Un cinéma qui n’existe pas ou trop peu dans Des Hommes.
Des Hommes – Bande annonce
Synopsis : Ils ont été appelés en Algérie au moment des « événements » en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d’autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d’une journée d’anniversaire, d’un cadeau qui tient dans la poche, pour que quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier.
Des Hommes – Fiche technique
Scénario : Lucas Belvaux (d’après l’oeuvre de Laurent Mauvignier)
Casting : Gérard Depardieu, Catherine Frot, Jean Pierre Darroussin, Yoann Zimmer
Durée : 1h41 minutes
Genre: Drame/Guerre
Date de sortie : 2 juin 2021 (Ad Vitam)