Se faire pousser des ailes, c’est ce qui a permis aux volailles d’un élevage dictatorial de gagner leur liberté dans Chicken Run. L’appétit vorace des humains écourte pourtant cette douce utopie et une nouvelle confrontation semble inévitable. Les poulets contre-attaquent de nouveau et ça se passe sur Netflix ! Que reste-t-il de cette vigueur 23 ans après la célébration du premier opus ?
Synopsis : Face aux manigances suspectes de la ferme voisine, une bande de poulets audacieux se fédère pour se protéger d’une nouvelle et inquiétante menace… au risque d’y perdre quelques plumes.
Après avoir réussi La Grande Evasion, le studio Aardman n’as pas dit son dernier mot. La maison mère des séries animées Wallace et Gromit et Shaun le mouton s’était autrefois alliée à l’expérience de DreamWorks pour mettre en chantier Chicken Run, l’évasion iconique de ce début de siècle. Une suite n’a été que récemment envisagée pour relancer la machine à pâte à modeler, car la technique d’animation du studio anglais reste le stop-motion. Ce savoir-faire du plan par plan propulse Sam Fell comme l’artisan de confiance pour des œuvres notables (Souris City, L’Étrange Pouvoir de Norman). S’il est encore difficile de conquérir le public en salle avec un tel argument esthétique, exception faite de la surprise Marcel le coquillage (avec ses chaussures) de Dean Fleischer-Camp, mélangeant animation en volume et prises de vues réelles, on ne peut reprocher le souci de perfection visuelle qui nous en met plein les mirettes.
Quand les poules aux œufs dorment
Passé un double récapitulatif clipesque, nous retrouvons la même bande de poulettes, aux côtés de deux coqs qui n’ont pas fini de se prendre le bec. C’est au beau milieu d’une oasis utopique que la jeune Molly est en proie aux activités routinières. Cocorico, tricot, dodo. Il s’agit pourtant d’une liberté durement acquise par les anciennes captives de la ferme Tweedy. C’est une chose que Ginger et Rocky ont bien du mal à transmettre à leur enfant, aussi rebelle que son père et aussi déterminé que sa mère. Le calcul est vite fait. Il suffit qu’un convoi étrange passe non loin de leur habitat pour que Molly s’engage dans une aventure en solitaire. S’ensuit une mission de sauvetage initiée par une famille inquiète et qui les amène tous vers un complexe à la pointe de la technologie, où on y fait de tendres et délicieux nuggets de poulet.
Tous les feux étaient au vert pour nous rassurer, en attendant de retrouver le poulailler le plus loufoque d’Angleterre. Hélas, difficile de ne pas voir venir les grandes ficelles scénaristiques, tirées l’une après l’autre et sans grande conviction. À partir de là, le film ne semble plus rien proposer d’innovant et puise dans des références outrancières, dignes de la troupe d’Ocean’s Eleven, de la force Mission Impossible ou des premières missions de l’agent 007. Les films d’évasion et de casse partagent globalement la même structure narrative. Pourtant, côté animation, Toy Story 3 était parvenu à transformer l’essai grâce aux énergumènes qui composaient la garderie Sunnyside.
Nid-de-poule en vue
À force de multiplier les péripéties, il reste peu de temps pour développer toute la galerie de personnages, afin de trouver la bonne alchimie. Cela n’aurait pas été un grief conséquent si la mise en scène parvenait à être captivante et innovante. Le compositeur Harry Gregson-Williams, sans John Powell pour l’épauler, ne parvient pas non plus à compenser ce manque d’inspiration. Ni la tension, ni l’humour ne sont entretenus comme il se doit. Avec une technique d’animation unique, ce vaudeville manque de tirer parti de ses gags essentiellement visuels. Seul le recyclage des objets du quotidien comme gadgets à forcer les serrures ou à tromper la vigilance des caméras permet une lecture écologique assez maline. Une idée que le scénariste des deux Chicken Run, Karey Kirkpatrick, a su mettre à profit dans Nos voisins, les hommes. Mais au lieu de chercher à cohabiter (une configuration impossible avec le retour de la cruelle madame Tweedy), c’est un jeu de celui qui parviendra à manger l’autre en premier qui commence.
Après avoir survécus à quelques pirouettes, les poulets doivent résister à la machine de la surconsommation, les fast-foods étant les premiers ciblés dans cette affaire. Il ne s’agit pas d’en faire un procès à la Super Size Me 2 : Holy Chicken, mais simplement d’offrir une nouvelle perspective aux jeunes spectateurs, en remontant la chaîne de production jusqu’à la source. Le message a l’air d’être assez clair, mais pas de quoi nous donner la chair de poule pour autant. Les tons grisâtres et boueuses du premier film sont remplacés par une explosion de couleurs, notamment lorsque l’on découvre cette prison artificielle pour volailles. Tout est filmé à plat, sans saveur ni virtuosité. Au même moment, Molly disparaît de l’intrigue, de même pour les nouvelles têtes qui l’accompagnent. Ginger et Rocky tiennent le devant de la scène, mais on peut également regretter l’absence du casting vocal original (Mel Gibson et Julia Sawalha), car le ton n’y est pas. L’alchimie n’est plus et l’émerveillement semble bien avoir disparu.
Plus un divertissement occasionnel qu’un événement à célébrer en famille, Chicken Run : La Menace Nuggets se dévore sur le pouce, tel un fast-food. À la fin de ce repas visuel, le goût n’y est plus et les pupilles sont aussi graisseuses que les poulets frits que l’on a encouragé une heure et demie durant. Sans prises de risques, a contrario de ce que Shaun le Mouton Le Film : La ferme contre-attaque nous a permis de découvrir, le verdict est sans appel. Nous avons affaire à un récit malheureusement convenu et au burlesque tout en retenu. Pour un morceau plus croustillant, appétissant et mémorable, il faut remonter à l’époque où Nick Park et Peter Lord nous récompensaient d’une folle aventure d’émancipation, maintes fois imitée et jamais égalée.
Bande-annonce : Chicken Run – La Menace nuggets
Fiche technique : Chicken Run – La Menace nuggets
Titre original : Chicken Run – Dawn of the Nugget
Réalisation : Sam Fell
Scénario : Karey Kirkpatrick, John O’Farrell, Rachel Tunnard
Directeur de la photographie : Charles Copping
Montage : Sim Evan-Jones, Stephen Perkins
Décors : Darren Dubicki
Direction artistique : Matt Perry, Sarah Hauldren, Richard Edmunds
Musique originale : Harry Gregson-Williams
Producteurs : Steve Pegram, Leyla Hobart
Production : Aardman Animations, StudioCanal, Pathé Films
Pays de production : France, Royaume-Uni, Etas-Unis
Distribution France : Netflix
Durée : 1h41
Genre : Animation, Comédie, Famille
Date de sortie : 15 décembre 2023 (sur Netflix)