Mission : Impossible de Brian de Palma : l’essai confirmé au blockbuster

Avant d’être la saga d’action à succès que l’on connait aujourd’hui, Mission : impossible premier du nom était tout d’abord un ingénieux tour de passe-passe, réussissant à la fois à s’affranchir de la série originale et à proposer un blockbuster réunissant les caractéristiques du cinéma de De Palma.

Synopsis Les membres d’un commando de la CIA sont envoyés à Prague avec pour mission d’appréhender, lors d’une réception dans l’ambassade américaine, un espion ennemi qui s’apprête à dérober une disquette contenant la liste secrète des agents en Europe centrale. Seulement ils ignorent que la CIA, persuadée que le commando est infiltré par une taupe, a envoyé une seconde équipe sur place…

Au royaume des espions et agents secrets type actioner sur grand écran, le patron reste l’infatigable James Bond, qui, depuis plus d’un demi-siècle déjà, et dont la nouvelle aventure prévue pour 2019 est sous la houlette de Danny Boyle, sauve la veuve, l’orphelin et accessoirement l’équilibre mondial de nombreuses situations catastrophiques. Mais depuis plusieurs années, cette place gardée est sujette à bon nombre de sérieux concurrents : un analyste de la CIA (Jack Ryan), un tueur amnésique (Jason Bourne) … et un certain Ethan Hunt depuis 1996.

Un travail d’adaptation de qualité

Si l’on devait résumer Mission : Impossible aujourd’hui, on pense irrémédiablement à une saga emplie d’action, où chaque opus essaye de surpasser le précédent en matière de scènes cultes, de cascades et prouesses physiques toujours plus folles et funs de son interprète principal. Car on peut aisément affirmer que la série de films appartient bel et bien à Tom Cruise, usant de son influence pour choisir l’équipe artistique des futurs épisodes, notamment les réalisateurs. Ce qui confère à cette saga un statut qu’on ne retrouve pas tellement ailleurs : donner à chaque opus un visage unique, une identité propre. Et bien qu’il s’éloigne très franchement de l’action pure et dure, le premier Mission : Impossible a pour ainsi dire entraîné cette tradition.

Après un premier refus de Sydney Pollack, le projet de voir sur grand écran la série culte des années 60-70 est ensuite confié à De Palma. Ce dernier ayant réellement besoin d’un nouveau succès en salles après trois échecs consécutifs (L’Impasse, Outrages et Le Bûcher des Vanités) afin de regagner la confiance des studios, accepte volontiers. Et quoi de mieux pour le digne successeur du maître du suspense Hitchcock que le genre de l’espionnage, lui qui a toujours rêvé d’en tourner un en Europe ? S’entame alors ce que les fans considèrent comme étant la plus grande faiblesse du film : son travail d’adaptation. Car De Palma, jouissant d’une véritable liberté artistique, a délibérément choisi de s’affranchir de la série d’origine, bien qu’en respectant par plusieurs points son credo fondamental (une équipe de gens spécialisés, parée pour une mission qui semble impossible à accomplir). Le plus évident reste celui de faire d’Ethan Hunt le véritable héros du film, et non Jim Phelps (le seul personnage repris de la série). Il en fait même l’antagoniste principal, ce qui a par ailleurs provoqué la colère de son interprète de l’époque, Peter Graves, considérant que l’essence même du personnage n’est pas respectée.

Mais en cela, le travail scénaristique de De Palma et son équipe fait de Mission : Impossible sa plus grande force. En s’affranchissant de toute contrainte de transposition que bon nombre de fans souhaitaient voir resurgir sur grand écran, De Palma a proposé un vrai travail d’adaptation, réussissant à jouer les équilibristes entre le genre du film d’espionnage et les caractéristiques de son cinéma. Car à volontairement brouiller les pistes au spectateur, et le duper par le pouvoir des images (comme en témoigne l’introduction du film), le réalisateur laisse libre cours à ses thèmes : manipulations, coups bas, trahisons … Un savoureux jeu de masques ! En soi, les enjeux principaux de la série sont donc bel et bien présents !

Votre mission : le divertissement !

Mais si l’accent n’est pas mis sur les scènes d’action, au profit d’une intrigue plus développée qu’à l’accoutumée pour un film de studio, les morceaux de bravoure ne sont tout de même pas en reste. Parmi eux, on retiendra par exemple la première demi-heure : l’élimination un par un des membres de l’équipe d’Hunt, qui se malmène tant bien que mal pour annuler l’opération, mais assiste impuissant à leur mort. Ou encore à la course effrénée de ce dernier pour échapper à un déferlement de trombes d’eau suite à l’explosion d’un restaurant rempli d’immenses aquariums. Pour l’anecdote, De Palma souhaitait que ce soit bien Tom Cruise qui réalise cette cascade et non sa doublure. Ce à quoi Cruise répondit, bien que s’exécutant : « Tu sais, je ne suis qu’acteur ! ». Une doublure fut en revanche nécessaire pour sa course filmée de dos.

Mais le point d’orgue de Mission : Impossible reste cette incroyable séquence de braquage en milieu de film, où l’équipe nouvellement constituée d’Hunt doit dérober une liste d’agents infiltrés en Europe centrale au sein du siège ultra sécurisé de la CIA à Langley. Rien que ça ! Au-delà du caractère volontairement impossible de la mission, c’est avant tout sa réalisation et son montage qui la rendront anthologique. Pendant près de dix minutes, on y voit Cruise, donnant là encore de sa personne, agrippé à la taille par un filin, suspendu dans le vide, opérer au braquage, dans un silence des plus total, sans une moindre note de musique. Osé !

Si l’on doit émettre un bémol, c’est davantage sur sa grande scène d’action finale, symptomatique de la grande machinerie hollywoodienne qui semble reprendre ses droits. Typique de tout blockbuster où la cohérence narrative est sacrifiée sur l’autel du spectaculaire (un hélicoptère dans le tunnel sous la Manche !), cette scène explosive passablement datée à cause d’effets spéciaux plus qu’approximatifs à l’heure actuelle, paraît de trop. Et c’est d’autant plus surprenant que ce choix vient directement de De Palma lui-même, qui souhaitait terminer son film par une scène explosive, au détriment de la scène de révélations finales dans le dernier wagon du train, minimaliste, mais nettement plus marquante !

Si l’on met de côté cet aspect dommageable, force est de reconnaître que Mission : Impossible ouvre avec brio la célèbre saga, qui continue de cartonner à chaque épisode (le sixième est prévu pour le 1er août). Blockbuster intelligent rassemblant tant les arguments commerciaux de n’importe quel film de studio mais aussi la liberté créative de son réalisateur, Mission : Impossible, plus qu’un très bon film du genre, reste avant tout un excellent cru de Brian De Palma.

Mission : Impossible : Bande Annonce

Mission : Impossible : Fiche technique

Réalisateur : Brian De Palma
Scénario : David Koepp, Robert Towne, Steven Zaillian, d’après l’œuvre de Bruce Geller
Interprétation : Tom Cruise (Ethan Hunt), Jon Voight (Jim Phelps), Emmanuelle Beart (Claire Phelps), Jean Reno (Franz Krieger), Ving Rhames (Luther Stickell), Kristin Scott Thomas (Sarah Davies), Vanessa Redgrave (Max) …
Photographie : Stephen H. Burum
Montage : Paul Hirsh
Musique : Danny Elfman
Costumes : Penny Rose
Production : Paula Wagner, Tom Cruise
Studios de production : Paramount Pictures, Cruise-Wagner Productions
Genre : Espionnage, action
Durée : 110 minutes
Date de sortie : 23 octobre 1996

Etats-Unis – 1996