Le bruissement du vent sur les feuilles, le craquement des arbres et les chants d’animaux, c’est souvent avec une atmosphère sonore propre à la jungle que l’on entre dans le monde onirique d’Apichatpong Weerasethakul. Une première image et un voyage hypnotique commence…
Synopsis : Au cœur de la jungle, un hôpital de fortune accueille des soldats atteint d’un sommeil profond. Jenjira, une femme seule atteint d’une malformation de la jambe, décide de s’occuper de Itt, un jeune soldat à qui personne ne rend visite. Elle fera aussi la rencontre de Keng, une médium communiquant avec les hommes endormis, qui lui ouvrira les yeux sur le monde et sur elle-même.
Après sa palme d’or en 2010 pour Oncle Boonmee, le réalisateur taïwanais revient à Cannes avec la discrétion qui le caractérise donner un souffle cinématographique unique au festival. Comme un pied de nez à ceux qui trouvent son cinéma soporifique, Cemetery of Splendour met en scène des soldats pris par une maladie du sommeil dès lors qu’ils se retrouvent dans cet hôpital au cœur de la jungle.
Dans beaucoup de films d’Apichapong Weerasethakul les personnages font le trajet de la ville à la jungle pour sortir de leur quotidien et vivre leur rêve. On entre donc dans la forêt tropicale comme on s‘endort pour rêver les yeux ouverts. Dans Cemetery of Splendour, nous sommes au cœur de la jungle.
Dans l’hôpital de fortune, Jenjira décide de s’occuper d’un soldat, Itt, auquel personne ne rend visite. Cette femme un peu esseulée va soudainement prend conscience du monde qui l’entoure. Lors d’une simple conversation avec une jeune femme, lorsque celle-ci lui déclare être morte, c’est tout un pan de l’inconscient de notre monde qui s’ouvre à Jenjira, celui de la magie, des rêves, des morts et des esprits. Elle sera finalement sauvée par Itt en qui elle voit un fils voire un amant.
Qu’il soit long, lent, radical, le spectateur ne somnole pas devant un film de Weearasethakul, il est transporté, pris dans une espace d’hypnose cinématographique produit par les sons et les images du plasticien réalisateur. Tout comme les soldats du film, on vit une rêverie éveillée. Weerasethakul est un cinéaste d’atmosphère, et les nombreuses installations d’art contemporain qu’il a déjà à son actif le prouvent. Il n’y a qu’à voir ces machines du sommeil dans le film, une merveilleuse invention qui scintillent de toutes les couleurs en pleine nuit, un enchantement pour les yeux lorsque les esprits des personnages sont mis à contribution.
Cemetery of Splendour n’a pas besoin de beaucoup de moyens pour être efficace, il compte largement sur l’imagination du spectateur. Ainsi, une simple balade en pleine forêt devient une ballade au cœur de la splendeur d’un palais en marbre. Loin de nous laisser sur le bord de la route, le réalisateur convie notre esprit pour un voyage en forme de méditation.
Ceux qui sont las de ne pas tout comprendre devraient se laisser transporter dans ce geste cinématographique sans précédent, radical mais très attentif à son spectateur.
Cemetery of Splendour : Fiche Technique
Titre original : รักที่ขอนแก่น, Rak ti Khon Kaen
Auteurs : Apichatpong Weerasethakul
Réalisateur : Apichatpong Weerasethakul
Casting : Jenjira Pongpas, Banlop Lomnoi, Jarinpattra Rueangram, Petcharat Chaiburi
Chef opérateur : Diego Garcia
Assistant réalisateur : Sompot Chidgasornpongse
Chef opérateur son : Akritchalerm Kalayanamitr
Chef décorateur : Akekarat Homlaor
Chef costumière : Phim U-Mari
Monteur : Lee Chatametikool
Producteurs : Apichatpong Weerasethakul, Keith Griffiths, Simon Field, Charles de Meaux, Michael Weber, Hans W. Geiβendörfer
Le film a été presenté en sélection officielle Un Certain Regard au Festival de Cannes 2015.