Est-il possible de réellement rater un biopic musical ? Bohémian Rhapsody prouve que oui, tout en démontrant le pouvoir de la musique, avec un peu de playback. Récemment gâtés par Rocketman ou encore Elvis, on attendait forcément le nouveau venu dans la sphère de l’hommage. D’autant que Bob Marley n’est pas n’importe quel plaisantin avec quelques ventes au compteur. Bonne nouvelle, One Love sert de belle porte d’entrée à l’univers du chanteur et donne envie d’en savoir plus. Mauvaise nouvelle, c’est à peu près tout ce que le film a à offrir…
C’est quoi, un bon biopic ?
C’est vrai, ça. Peut-on définir ce que serait un biopic réussi, dans la sphère du cinéma ? Pas vraiment, je pense. Tout dépend des attentes. Vous l’aurez compris, j’exècre le film centré sur Freddie Mercury, pourtant acclamé par une partie du public. Si pour certains, découvrir un artiste avec ses chansons, un acteur habité et quelques passages sur scène suffit, n’est-ce pas déjà bien ? Pas vraiment, Youtube existe, dans ces cas-là. Un biopic, comme tout projet, est une œuvre cinématographique. Il doit, soit présenter la vie de son sujet, soit se concentrer sur un axe particulier de celle-ci. Comment décide-t-on quoi montrer au public, quand on présente la vie d’un Oppenheimer ou d’un Bernard Tapie ? Nous pouvons déjà apporter un premier élément de réponse. Un biopic ne peut pas être court. Oppenheimer est trop long ? Non. Pour comprendre les choix de quelqu’un, il faut les comprendre. Pour les comprendre, il faut voir. C’est déjà sur ce premier élément que One Love échoue. Il ne raconte pas la vie de Bob Marley, car il n’en a pas le temps. L’intrigue du film, d’une durée d’1h40 à peine, s’étale sur quelques sujets intéressants, mais ne prend jamais le temps d’en exploiter un seul. Et, à la sortie du film, qu’a-t-on appris de l’homme ? Rien, si ce n’est qu’il avait l’air vraiment sympa !
Le pire, sans doute, vient du rythme. À force de ne prendre le temps de rien expliquer, l’histoire ennuie profondément. Oppenheimer et ses 3h passent plus vite que ce film presque plus court de moitié. Oui, un biopic qui sort au cinéma se doit d’être un film. Des centaines de documentaires existent, pour connaitre la vie de Bob Marley. Quelle est donc la plus value du projet ? Aucune. Elvis offrait un Austin Butler incroyable, porté par une mise en scène du feu de dieu, des plans somptueux à la hauteur de la photographie. Rocketman prenait le biopic à contre pied, dans cette ère du playback, en laissant Taron Egerton se réapproprier intégralement l’artiste Elton John en interprétant lui-même ses titres. Ici, rien de tout cela. Kingsley Ben-Adir fait le job, quand il ne surjoue pas avec son pétard coincé entre les lèvres, mais Lashana Lynch offre une performance bien plus impactante. Les dialogues sont terriblement plats, pour la plupart. Quelques fulgurances existent, on citera pour exemple une dispute entre Bob et son épouse Rita. C’est à peu près tout. Les flashbacks, insérés au chausse-pied, ne servent strictement à rien, si ce n’est apporter une scène d’enregistrement assez sympathique. La vie de Bob, son passé, sa religion, sa maladie, son amour pour le peuple, tout ceci est survolé, voire absent.
Ceux qui verront le film pour les chansons seront-ils satisfaits, au moins ? Oui, sans doute. Certaines d’entre elles sont placées on ne sait trop comment, le plus souvent dans des plans aériens, lors d’un voyage ou pour servir un montage de la troupe sur scène. Dans le film lui-même, quelques moments en live permettent de voir Bob en plein concert, totalement habité. C’est court mais très sympathique à regarder. Restent les séquences d’enregistrement en studio, un classique indémodable. Pour le reste, ne vous attendez pas à du grand art ou à une quelconque iconisation grâce à la mise en scène. Champs-Contrechamps sont les maitres mots qui occupent la réalisation. Dommage. On attendait un film, on a eu un épisode lambda d’une série Netflix, sans vraiment de début, ni de fin.
Bob Marley One Love : Bande-annonce
Fiche technique : Bob Marley One Love
Réalisation : Reinaldo Marcus Green
Genre : Biopic
Casting : Kingsley Ben-Adir / Lashana Lynch
Scénario : Zach Baylin / Frank E. Flowers / Terence Winter
Production : Cedella Marley / Rita Marley / Ziggy Marley
Distribution : Paramount Pictures
Durée : 104 minutes
Sortie : 14 Fevrier 2024 en salles