Injustement boudé par une sortie en salle, Alienoid : Les protecteurs du futur a essentiellement trouvé son public sur le marché de la vidéo physique et à la demande. L’audacieux voyage dans le temps qui navigue entre le film d’époque, stylisé wu xia pian, et un futur envahi par des aliens de type body snatchers a cependant suscité de l’intérêt pour les nombreux spectateurs qui l’ont découvert pendant une diffusion limitée par la suite, le temps d’un week-end. Conçu comme un diptyque, les bonnes ondes qui se sont dégagées du premier volet ont propulsé sa conclusion sur grand écran, ce qui n’est pas pour notre déplaisir. Il manque toutefois à cet Alienoid : l’affrontement toute la fraîcheur et l’aura épique du premier chapitre, tout aussi inégal et maladroit dans sa narration, dont la générosité n’était pas à remettre en question.
Synopsis : Lorsque les aliens ont envahi la terre ; Ean, jeune protectrice, s’est rendue dans le passé pour tenter d’inverser le cours de l’histoire. Aidée d’Initiés aux pouvoirs légendaires, la jeune femme doit désormais retourner à notre époque pour affronter l’Alien Originel lors d’une ultime bataille décisive pour sauver l’humanité.
Pour rappel, le premier film jouait joyeusement à ricochet entre deux temporalités. Guard et Thunder, doivent s’assurer du bon transfert d’aliens dans des corps humains, sorte de réceptacle qui les emprisonne et qui les lient à la vitalité de leur hôte. Mais lorsque certains parviennent à se manifester et à interagir avec notre univers, c’est la panique. Une course-poursuite en vaisseau, puis en voiture, propulse les protagonistes huit siècles en arrière. Robots, aliens, sorciers, épéistes voltigeurs et une mystérieuse jeune femme, qui n’a pas vraiment de la foudre dans le chargeur de son pistolet, se rendent coup pour coup dans des affrontements ludiques et suffisamment bien mis en scène pour qu’on ne pique pas du nez face à la complexité de l’intrigue. L’exploit est salué, mais la conclusion d’une telle épopée reste à achever.
Avec une exposition alléchante de plus de deux heures dans l’opus précédent, nous étions en droit de croire que le diptyque était sur les bonnes rails pour achever son récit avec efficacité. Malheureusement, il faudra patienter près d’une heure pour que l’on daigne enfin recoller les morceaux avec les enjeux principaux du film. L’ouverture à rallonge traîne donc des pattes nous rappelant ce que nous savions déjà, hormis quelques retournements de situations tout à fait dispensables dans l’absolu. L’essentiel prend place en l’an 2022, en bordure de Séoul, où des sphères retenant de la Haava (une atmosphère alien toxique pour l’humanité) sont sur le point d’exploser et de se répandre sur la planète bleue. La chasse pour obtenir la « lame divine » et prendre le contrôle de ces sphères est lancée depuis bon moment déjà, car nos héros et leurs ennemis sont coincés dans le passé depuis une décennie. Seul ce fil rouge est digne d’intérêt alors que les sous-intrigues et flashbacks se multiplient avant la réunion finale des protagonistes dans le futur.
Tous pour un, un pour tous
Muruk (Ryu Jun-yeol) s’est déjà remis de ses blessures, Ean (Choi Yu-ri) continue à chercher la lame en esquivant (ou pas) les avis de recherche, un duo de sorciers, sidekick comique très attachant, les suit de près et une nouvelle alliée se manifeste (Lee Hanee). Alors qu’un collectif se forme spontanément, supplantant ainsi les individualités du premier volet, les séquences s’enchaînent donc jusqu’à ce qu’un peu d’action anime cette course-poursuite « effrénée ». Un comble pour Choi Dong-Hoon, qui a fait ses preuves avec succès dans le passé (Les Braqueurs en 2012 et Assassination en 2015) et qui s’est armé de plusieurs drones et caméras fixés à des grues et des voitures. Reconnaissons toutefois au directeur de la photographie, Kim Tae-kyung, de magnifier les décors d’époques, que ce soit de jour ou de nuit dans la brume. En revanche, le scénario apocalyptique du futur ne rend pas hommage à son travail, car la nécessité d’effets visuels se fait sentir. Et c’est lorsque ça détonne le plus ou que les aliens se manifestent intégralement que l’on observe les limites budgétaires d’une œuvre qui a pourtant réussi à dissimuler ces défauts sous le tapis.
Dérapages incontrôlés
En soi, chaque scène, examinée séparément, est une réussite en matière de créativité. Hormis un passage où Ean joue habilement avec le fourreau de son adversaire, les séquences d’actions restent en majorité superficielles ou illisibles. Ceci est notamment valide pour le climax, précipité par un montage qui peine à jouer sur l’effet « compte à rebours », laissé en suspens à mi-chemin du premier volet. Malgré un peu plus de linéarité dans la structure narrative, sans sas de décompression pour reprendre son souffle et prendre du recul sur la situation, nous fonçons tête baissée vers la prochaine scène. Sachant que le cinéaste se repose également sur les codes du film choral, en rebondissant d’un endroit à l’autre avec sa caméra, cela ajoute plus de confusion que de clarté à une narration déjà bien dense. Les capacités de l’artéfact divin en attestent. Peut-il soigner des blessures a priori irréversibles, peut-il rendre la vie et en quel honneur agit-il comme clé de contrôle de la Haava ? Quoi qu’il en soit, ce MacGuffin, doublé d’un deus ex machina très pratique, reste toujours l’objet le plus convoité par des deux camps.
Peut-être aurait-il mieux valu réunir tous ces éléments dans un seul bloc, au risque de sacrifier plusieurs twists qui aurait rendu le visionnage indigeste ? Le retour en fanfare d’Alienoid : l’affrontement ne parvient pas à être à la hauteur, ni à être cohérent avec un premier volet assez charmant, malgré des défauts de rythme évidents et un humour souvent contraignant. Mais pour peu que l’on ne s’accroche à la cohérence, que l’on ne s’arrête pas aux détails (trop subtils et nombreux tout de même) et que l’on laisse simplement nos rétines s’abreuver des cascades et autres effets pyrotechniques ou CGI, on y trouve son compte. Choi Dong-Hoon nous a déjà confirmé avec le premier volet qu’il ne souhaitait pas s’attarder sur le sens du récit. Son rôle est de trouver les bons réglages pour que les éléments et décors anachroniques qu’il dispose cohabitent avec le ton que l’on qualifierait grossièrement « d’hollywoodien ». Seulement, il y a bien plus à croquer dans ce blockbuster que dans la tambouille super-héroïque qui a déjà épuisé le concept de multivers.
Bande-annonce – Alienoid : l’affrontement
Fiche technique – Alienoid : l’affrontement
Titre international : Alienoid : Return to the Future
Réalisation : CHOI Dong-hoon
Scénario : CHOI Dong-hoon, LEE Ki-Cheol
Photographie : KIM Tae-kyung
Décors : LEE Ha-jun, RYU Seong-hie
Costumes : CHO Sang-kyung
Maquillage : KIM Hyun-jung
Musique originale : JANG Young-gyu
Mixage : EUN Hee-soo
Montage : SHIN Min-kyung
Son : CHOI Tae-young
Effets spéciaux : JAEGAL Seung Jay
Producteurs : AHN Soo-hyun, CHOI Dong-hoon
Société de production : Caper Film (KIM Sung-min)
Pays de production : Corée du Sud
Distribution France : Condor Distribution
Durée : 2h02
Genre : Science-fiction, Action, Fantastique
Date de sortie : 28 août 2024