Adopte-un-veuf-Vincent-Desagnat-film-critique

Adopte un Veuf, un film de François Desagnat : Critique

Il semble que le cru 2016 de la sélection de l’Alpe D’Huez, ce festival incubateur de comédies populaires franchouillardes, ait été sous le signe du bon-sentimentalisme. Après La Vache (Grand prix du jury et Prix du Public) et Pataya qui tous deux prônaient avec plus ou moins de délicatesse le multiculturalisme, et les comédies romantiques douceâtres Encore Heureux, Joséphine s’arrondit et Tout pour être heureux, voici que sort le dernier film de la compétition. Vainqueur du Prix spécial du Jury, Adopte un Veuf est lui-aussi une ode à la solidarité, cette fois-ci intergénérationnelle.

Synopsis: Vivant seul depuis le décès de sa femme, Hubert vit mal sa retraite et est au bord de la dépression nerveuse. Suite à un quiproquo, débarque chez lui la jeune Manuela, convaincue de trouver chez lui un logement de substitution. Après moult hésitations, Hubert finit par céder et l’accepter comme colocataire. Le duo ainsi formé va même décidé de s’agrandir en accueillant deux autres locataires au sein de l’appartement, Paul-Gérard et Marion, qui eux-aussi vont peu à peu se décoincer en apprenant à vivre ensemble.

Comédie Populaire cherche Sens de l’Humour pour Colocation

La proposition est celle d’un pitch qui n’est finalement qu’un croisement batard entre celui de L’Etudiante et Monsieur Henri, sorti en octobre dernier et où un vieil homme accueillait déjà chez lui une jeune étudiante, et Five, pour ne citer que la plus récente des innombrables comédies tournant autour de la question de la colocation. Sur le papier, le film ne promettait rien de bien original en somme. Et y voir rattacher le nom de François Desagnat, un ancien acolyte de Mickael Youn, coréalisateur des lamentables La Beuze et Les 11 Commandements, et dont l’unique film qu’il ait réalisé seul, Le Jeu de la vérité, a fait un flop assez risible, assurait au résultat une lourdeur des plus déplorables. Seuls les noms d’André Dussolier, Bérengère Krief et Arnaud Ducret avait de quoi rendre le projet un minimum attirant.

Filmée en grande partie en huis-clos et en caméra portée, la mise en scène pantouflarde de Desagnat participe pour beaucoup au problème de dynamique don va souffrir le film. Car la qualité formelle s’accorde finalement très bien à la façon dont semble avoir été pensé le scénario, c’est-à-dire comme  épisode étiré de Nos Chers Voisins. A l’origine du projet, Jérôme Corcos et Antoine Pezet ont eu ensemble l’envie de produire cette comédie qui tente de combiner deux des approches du genre les plus populaires en France : le feel-good-movie et le théâtre de boulevard, deux modes d’écriture certes lucratives mais dont on sait les limites en termes de dramaturgie. Il aura fallu pas moins de quatre scénaristes pour mettre en place l’histoire de ce rapprochement entre plusieurs personnages que tout opposait au début. Comme souvent, en cas de scénario écrit à plusieurs, celui-ci souffre du manque flagrant de développement de chacune des pistes dans lesquels il s’engage: Tandis que le mal-logement se révèle être moins une problématique qu’un prétexte, le divorce de PG et la vie amoureuse de Manuela font partie des nombreuses sous-intrigues qui ne seront pas menées à terme.

C’est ainsi que, en plus de se bâtir sur un pitch d’une naïveté confondante, l’intrigue ne réussit jamais à proposer de situations un tant soit peu surprenante ni d’idées pertinentes dans la caractérisation des personnages et le traitement de leurs relations. La maladresse avec laquelle sont exploités tant de grosses ficelles scénaristiques rend chaque scène prévisible une heure à l’avance. A la lourdeur de ce sentiment de déjà-vu et à cette bien-pensance assommante s’ajoute un manque de finesse évident dans l’écriture des dialogues –sur lesquels se doivent pourtant de reposer toute bonne comédie de boulevard– et donc ce manque de rythme qui fait tomber à plat les quelques gags potentiellement amusants. Résultat, aucune situation ni réplique ne parvient à sortir du lot de ces échanges fades, servis de plus par un casting peu convaincant.

Que l’ancien acteur fétiche d’Alain Resnais, autrefois découvert par Truffaut, Chabrol et Rohmer, en vienne à accepter ce rôle ultra-caricatural du « vieux bonhomme ronchon qui va reprendre gout à la vie » en dit long sur le déclin qu’a pris le cinéma populaire français. André Dussolier a toutefois contribué ces dernières années à de bien meilleurs films (notons, entre autres, Diplomatie et Trois souvenirs de ma jeunesse), et on le sent ici conscient du manque d’intérêt du tournage auquel il participe en n’offrant que le service minimum, alors qu’on lui connait un talent comique certain. A l’inverse, la jeune Bérangère Krief se révèle être la véritable bonne surprise de ce vaudeville en lui apportant la fraicheur et l’énergie dont manquait justement cruellement son scénario ankylosé par son académisme désuet. Entre ces deux personnages principaux, l’installation de la relation père/fille est sans conteste l’argument le plus émouvant que le film ait à proposer, mais encore une fois celui-ci n’est pas suffisamment exploité pour être réellement attachant. Les deux autres membres du quatuor, Arnaud Ducret et Julie Piaton, sont dans la redite de leurs rôles précédents, le premier dans un surjeu jamais crédible (comme souvent chez les humoristes de stand-up reconvertis dans le cinéma), la seconde trop en retrait pour faire vivre son personnage. Et l’inévitable relation amoureuse qui va naitre entre eux est d’une superficialité hermétique à la moindre émotion. Et vient s’y ajouter le personnage, parfaitement inutile à la narration en dehors d’y ajouter quelques blagues graveleuses et donc dispensables, de Nicolas Marié, dont le surjeu est tout simplement insupportable à encaisser.

Boursoufflé par ses clichés omniprésents et bâti sur une écriture aussi fourre-tout que paresseuse, Adopte un veuf est le fruit d’une volonté évidente de bienséance autour du sempiternel thème de l’indispensable solidarité entre ses personnages. Une candeur qui peut se montrer rafraichissante mais qui ne parvient en aucun cas à aboutir à une comédie marquante.

Adopte un veuf : Bande-annonce

Adopte un veuf : Fiche Technique

Réalisation : François Desagnat
Scénario : Jérôme Corcos, François Desagnat, Catherine Diamant, Romain Protat, Richard Pezet
Interprétation : André Dussollier (Hubert), Bérengère Krief (Manuela), Arnaud Ducret (Paul-Gérard Langlois), Julia Piaton (Marion), Nicolas Marié (Samuel)…
Photographie : Vincent Gallot
Montage : Béatrice Herminie
Récompense: Prix Spécial du Jury à l’Alpe d’Huez
Production : Jérôme Corcos, Richard Pezet
Société de production : Someci, Nac Films
Distribution : SND
Genre : Comédie
Durée :  97 minutes
Date de sortie : 27 avril 2016
France – 2015

 

Rédacteur