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Le corps sauvage : faire du cinéma avec un petit budget

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné

Est-ce un hasard si les derniers « petits » films français sortis ces dernières années parlent tous de jeunesse et de radicalité ? Il ne s’agit pas d’une radicalité religieuse, ni de « petits » films au sens pas intéressants, mais de choix de vie, de questionnement et de budget très très serré comparé à ceux, pharaoniques, de la plupart des productions actuelles.

Petits budgets, grands sujets

Ils sont trois à occuper cet article : Heis (Chroniques) sorti en 2017,  Pour le réconfort sorti fin 2017 et Le corps sauvage, au cinéma en mars 2019. Tous ont un point commun : avoir été tournés avec des petits budgets, comme des cris bruts, et parler d’une forme de radicalité, de choix, et surtout d’héritage. L’héritage est plus frontalement abordé par Vincent Macaigne et son Pour le réconfort, mais Anais Volpé (Heis) parle de ce que c’est, pour elle, d’avoir 30 ans aujourd’hui. Elle balaye donc aussi un large héritage, se positionne. Elle dit quelque chose de la jeunesse d’aujourd’hui.

Quant à Cheyenne Caron, elle a fait de son Corps sauvage non seulement un film sur la nature, la chasse et ses différents pratiquants, défenseurs mais aussi détracteurs, mais surtout sur une jeune femme de 25 ans qui choisit de s’éloigner un instant de sa vie pour la construire. Il ne s’agit pas seulement de trouver sa place au sein du monde, mais de la construire autrement, de se dessiner, même dans une grande radicalité. Ainsi Diane, telle une déesse de la chasse, parcourt des sentiers forestiers avec son arc, s’inscrit dans une communauté où tous partagent, ne font quasiment qu’un avec la nature. Et assument le paradoxe entre aimer la nature et abattre l’animal.

Être indépendant

« Le film a été tourné en dix jours, avec une petite caméra numérique, sans scénario, et sans équipe ou presque (…). Souvent aussi je tenais la caméra, et les acteurs se relayaient à la perche. Tout le monde a été très généreux et venait pour rien comme ça, juste pour tenter des choses; c’est très beau ça », déclare Vincent Macaigne dans le dossier de presse qui a accompagné la sortie de Pour le réconfort. Cette générosité mise en avant, au-delà du grand spectacle qu’est le cinéma, est également la motivation de Cheyenne Caron avec ce dixième film : « celui-ci n’a pas échappé à la règle ! (de manquer d’argent pour faire le film) Mais finalement, c’est aussi le prix à payer pour rester indépendant… ».

Il y a donc dans ces films-là une volonté assidue de dire quelque chose, de transmettre, au-delà même de l’acte artistique. Si c’est moins le cas de Vincent Macaigne qui vient du théâtre et travaille de manière artistique sur cette radicalité de ton, pour Cheyenne Caron ou Anais Volpé, il s’est plutôt agi de servir un sujet. On sent dans Heis le besoin de parler d’une génération, de témoigner d’une galère, sans prétendre faire du cinéma le seul véhicule de cette parole. Pourtant, Anais Volpé a sillonné les salles au moment où son film sortait pour l’accompagner, le faire vivre, le faire voir surtout. Quant à Cheyenne Caron, elle tente de produire son cinéma en parallèle des sorties en salles, en proposant aux spectateurs de se procurer le DVD du film un mois avant sa sortie au cinéma.

Un cinéma plus authentique ?

On retrouve cette volonté dans le produit fini : Anais Volpé a fait de son film un assemblage de chroniques qui formaient un tout, quant à Cheyenne Caron, elle offre un film de discours : sur la chasse notamment. Tout le monde s’y exprime, on entend tous les points de vue, ce qui est vraiment appréciable, voire honorable, car peu de monde aurait été jusque-là dans une œuvre de fiction. Quelques scènes notamment au bord de l’eau ou dans la forêt son assez belles, comme voulant ressembler à des tableaux champêtres, en quête d’une harmonie avec la nature. On regrettera juste l’impression très très amateuriste de l’ensemble : dialogues récités, clichés sur la nature (on tend sa main vers le ciel), posture très figée des différents protagonistes.

On sent un peu trop que Le corps sauvage échappe à tout un circuit, ce qui peut être certes salvateur mais provoque aussi une forme d’inadéquation avec le spectateur. Dommage, il y a avait de belles idées. On se prend à rêver d’un cinéma sans doute plus humain, plus relié à nous, spectateurs. Nous voulons rêver au cinéma, mais peut-être que le cinéma  a aujourd’hui pris beaucoup trop de valeur marchande (il n’y a qu’à voir le prix d’une place !) et un peu moins une valeur humaniste, pourtant présente à ses débuts. Il est donc nécessaire que certains prennent des risques, quitte à se planter, à nous faire sourire par certains choix mais prouvent au moins que le cinéma, c’est aussi et surtout : raconter par l’image, par le son, par le corps et pas seulement par la prouesse technique.

Bande annonce : Le Corps sauvage

Synopsis : À la recherche d’une nouvelle façon de vivre, Diane, 25 ans, s’installe chez son grand-père dans un village bordant une forêt où elle pratique la chasse à l’arc. Le grand-père lui fait découvrir l’univers de la chasse, ses rites et ses traditions, ainsi que son village où chacun vit en harmonie, unis par des valeurs fédératrices. Cette harmonie est bientôt menacée par un groupe de chasseur sans éthiques ; mais Diane est décidée à protéger le village et la nature à son corps défendant.

 

Reporter LeMagduCiné