cannes2016-competition-officielle-juste-la-fin-du-monde-film-xavier-dolan-film-review-critique

Cannes 2016 : Juste la fin du monde de Xavier Dolan (Compétition Officielle)

La Review de Cannes : Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Synopsis : Adapté de la pièce de théâtre éponyme de Jean-Luc Lagarce, le film raconte l’après-midi en famille d’un jeune auteur qui, après 12 ans d’absence, retourne dans son village natal afin d’annoncer aux siens sa mort prochaine.

Deux ans après la bouleversant Mommy et un Prix du Jury (mais une Palme d’Or logique pour tout le monde), Xavier Dolan retourne sur la Croisette accompagné d’un casting exclusivement composé de stars françaises, le tout pour l’adaptation d’une pièce délicate de Jean-Luc Lagarce. Soit, un huis-clos familial où le malaise s’illustre à travers les relations tendues entre chaque personnage. Et quand celui qui était parti douze ans auparavant, décide de revenir pour annoncer sa mort, le retour du fils prodigue va amener cette famille au bord de l’explosion.

Avec cette adaptation, Xavier Dolan se fait plus mature et retente, pour la deuxième fois après Tom à la ferme, l’exercice ô combien périlleux de l’adaptation. Une adaptation à demi-risque néanmoins, puisque la pièce de Jean-Luc Lagarce est un matériau tout taillé pour Dolan. Avec ce protagoniste d’un homme seul subissant sa différence, Xavier Dolan met de sa personne et nous conte, à sa manière, les dysfonctionnements de sa propre vie familiale. Il y a deux ans, il arrivait à nous arracher une larme avec un morceau de Céline Dion. Cette année, il tente de nous transporter en nous ramenant plus de dix ans en arrière, avec le tube moldave Dragosta Din Tei du groupe O-zone. C’est la preuve que le cinéaste persiste dans son style, en faisant à nouveau appel à certains éléments identitaires de Mommy et plus largement de ses autres films. Alors Xavier Dolan nous livre sa vision du genre, très bourgeois et théâtral, qu’est le repas de famille en huis-clos. Il fait ainsi ressentir comme personne la difficulté de communiquer correctement dans cette famille, tout comme il fait peser lourdement le sentiment de claustrophobie. Mais malheureusement pour lui, ça n’en fait absolument pas un film agréable à regarder. Juste la fin du monde est un film malade. Malade par sa mise en scène, ses acteurs en pleine crise de nerfs, son recours maladroit à la musique, et sa lumière sépia qui ne sied qu’à moitié au cadre oppressant de l’intrigue.

Du postulat de départ et qui doit sans doute bien mieux fonctionner au théâtre, Xavier Dolan n’arrive qu’à employer ses acteurs de la manière la plus hystérique et irritante possible. Entre les cris stridents, les silences pesants, les balbutiements interminables et les regards tournés vers le sol, on ne souhaite qu’une chose : quitter cette table et prendre le dessert à la maison. Peut-être que le problème du film réside justement dans son casting cinq étoiles. Car moins que les performances, ce sont les célébrités que l’on regarde se déchirer; d’abord avec une jubilation coupable puis avec une exaspération interminable (Cotillard en gênée balbutiante étant la plus insupportable à regarder, contrebalançant avec sa jolie prestation dans Mal de Pierres). On se sent mal de voir de si bons acteurs être employés dans une telle mascarade, Nathalie Baye cabotinant en mère exubérante, Léa Seydoux et Vincent Cassel, le connard impulsif de service. Seul Gaspard Ulliel, timide et pas à sa place arrive à tirer un peu d’empathie. On aimait les ouvertures au monde et les déambulations des personnages dolaniens dans ses précédents films, on regrette amèrement qu’ici, ils ne soient filmés qu’en gros plans et sous toutes les coutures. Juste la fin du monde devient alors une succession de photos de profil où les visages radieux, malades, gênés, enflammés, s’enchaînent avec la plus grande frustration. Un bal de plans serrés qui devient à la longue étouffant.

Le parti-pris est affirmé et peut-être qu’il est là le génie du film, nous faire ressentir comme jamais le malaise d’un repas de famille qui dure. Quelques dialogues sonnent très justes et la reprise du contrôle de la situation par Gaspard Ulliel laisse espérer un tournant apocalyptique final réjouissant. Il n’en sera rien et tout ce qui fait la vie, la folie, la frénésie des films dolaniens se fait définitivement absent. C’est le changement de ton d’un cinéaste qui décide de filmer l’hystérie dépressive de la vie au lieu de la célébrer comme il le faisait jusque là. Bien que le film soit secoué par toute l’énergie des acteurs en total roue libre, l’entreprise de Dolan tourne à vide et n’offre, à l’arrivée, que le résultat d’une démonstration vaine, hystérique et assommante. En tentant de s’adapter à un matériau qui lui ressemble, Xavier Dolan démontre qu’il ne maîtrise pas encore les sujets qui ne sortent pas de sa tête. Les défenseurs diront qu’il a pris en maturité et que sa naïveté insouciante évolue, en regard hanekien, sur les relations d’une famille dysfonctionnelle. Les détracteurs auront le choix des arguments. Toujours est-il qu’à la sortie de la projection cannoise, les réactions sont très divisées. A ce stade de la compétition, on serait tenté de dire que Juste la fin du monde est le pire film de la sélection cannoise.

Comptant autant d’adorateurs que de pourfendeurs, Xavier Dolan n’est pas prêt de réconcilier les deux camps, et encore moins la presse. Il est amusant de constater le petit jeu des médias qui aiment s’embraser devant le dilemme Dolan, les titres de presse se répondant à coup d’articles qui – selon le parti choisi – flinguent ou réhabilitent le nouveau film du québécois. Quoi qu’il en soit, ce dimanche, seul le jury permettra de donner l’avantage à un camp.

Juste la fin du monde

Un film de Xavier Dolan
Avec Gaspard Ulliel, Marion Cotillard, Léa Seydoux, Nathalie Baye, Vincent Cassel
Distribution : Diaphana Distribution
Durée : 95 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 21 septembre 2016

Canada, France – 2016

Juste la fin du monde : Bande-annonce

Reporter/Rédacteur LeMagduCiné