L’été, cette douce saison où la lumière du jour semble ne jamais vouloir partir, où la chaleur caresse nos corps et les nuits sont poétiques et étoilées. C’est une période propice à la redécouverte de nos régions et du monde et qui a beaucoup inspiré les artistes depuis la nuit des temps. Fins observateurs et admirateurs, ils nous transportent dans chacune de leurs œuvres et dans leur propre conception de la réalité. Parce que chaque tableau a sa propre histoire et se raccroche à nos souvenirs, voici une lettre d’amour à l’été via une analyse de 5 tableaux.
Paysage marin près des Saintes-Maries-de-la-Mer, Vincent van Gogh (1888)
La légende raconte que la Méditerranée et ses couleurs vives ont beaucoup inspiré Van Gogh tout au long de sa carrière : on aurait d’ailleurs retrouvé des grains de sable incrustés sur cette toile en particulier ! Dans cette œuvre, Van Gogh joue avec les nuances de bleu et les grands coups de pinceaux appuyés sur la toile donnent du relief et de la consistance à l’histoire qu’il veut raconter. C’est celle d’une mer épaisse, écrasante, ce qui est renforcé par l’absence de rivage, nous plongeant au cœur de la scène. En plus de la matérialité qu’ils apportent, les coups de pinceaux, notamment le geste dynamique, permettent au spectateur de s’interroger, se projeter : le point de vue élevé suggère que la scène s’observe depuis le pont d’un navire, comme on en voit une dizaine flottant à l’horizon. Aucune difficulté alors à se figurer mentalement ces bateaux présents sur l’eau en confrontation avec la mer et le vent sifflant dans leurs voiles. On peut presque s’imaginer les mouettes voler au-dessus des embarcations et les vagues continuant leur chant. Grâce à un travail minutieux de la tonalité, le peintre a réussi à capturer une lumière juste et réaliste de la scène. Si ce tableau rappelle l’été, ce n’est pas seulement dû à la palette de couleurs qui suggère un soleil jouant avec les vagues, même en pleine mer. C’est aussi parce qu’il représente la force d’une nature à son paroxysme à la saison la plus chaude de l’année.
Paysage à Collioure, Henri Matisse (1905)
Aux portes de l’Espagne et de la Méditerranée, la commune de Collioure est ici représentée par Matisse comme une allégorie de l’été, une œuvre quasi-abstraite tout en couleurs primaires. Elle illustre surtout la perception de Collioure à travers les yeux de Matisse, à un moment de sa vie où l’artiste vivait une période d’introspection, se traduisant sur la toile par le désir d’expérimenter de nouveaux styles, pour se rapprocher petit à petit du fauvisme. La parfaite association des couleurs vives et de certains gestes, voire d’un dynamisme dans les coups de pinceaux, dans un esprit désorganisé et inachevé, témoigne de la spontanéité de l’été et de son caractère fugace. La saison nous est ici montrée à travers la nature, une végétation sauvage, libérée de l’Homme et des assauts de l’automne et l’hiver. Où est Collioure ? La ville, prétexte au titre, s’est dissimulée derrière la formidable végétation qui a inspiré le peintre. Paysage à Collioure illustre la beauté dans le désordre et donne de la signification à ce qui semble être insignifiant.
Oliviers avec les Alpilles dans le fond, Vincent van Gogh (1889)
Van Gogh a encore frappé avec cette œuvre tout en courbes représentant comme bien souvent, les paysages méditerranéens, en particulier provençaux. Ce tableau, presque psychédélique, nous transporte dans ses rêves et dans son imaginaire, inspirés par les mythes provençaux. Les oliviers, perdus et confondus avec la garrigue, grâce à un camaïeu de vert, titillent le ciel et les nuages, sous une chaîne de montagnes bleues, les Alpilles. Chaque élément de la nature semble s’entremêler et ne faire qu’un. Entremêlement renforcé par le motif en volute qui marque l’ensemble et qui peut avoir été inspiré au peintre à la fois par les nuages et la forme biscornue des oliviers. Comme dans beaucoup de ses œuvres, Van Gogh transforme la réalité et s’échappe des standards de la peinture réaliste de l’époque, pour nous offrir sa propre vision du quotidien.
Paysage d’Italie vu par une lucarne, Edgar Degas (1856-1859)
Paysages d’Italie vue par une lucarne d’Edgar Degas est une mise en abîme, un véritable tableau dans un tableau. En effet, la lucarne entourant le paysage d’Italie structure le spectacle verdoyant de la nature et le ciel nuageux qui vient surplomber le tout. Le jeu d’ombre utilisé pour peindre la lucarne marque la temporalité de cette œuvre, représentant sûrement une fin de journée d’été. Ce tableau rappelle la période la plus chaude de l’année pour sa palette de couleurs douces, rosées et travaillées, presque timides, qui vient magnifier un paysage d’Italie quasi endormi, où nuages et ciel bleu foncé s’entremêlent. La lucarne, imposante, vient cadrer le paysage, guidant le sens de lecture du spectateur. Artiste, peintre, graveur, sculpteur, photographe et naturaliste français, Edgar Degas a plus d’une corde à son arc et on reconnaît la précision de l’angle du photographe dans ce portrait de l’Italie. Membre fondateur du mouvement impressionniste, cette influence transparaît dans cette œuvre où le jeu des lumières en extérieur est l’objet principal du tableau. Artiste peu conventionnel, ses œuvres sont variées et, selon lui, lorsqu’il s’agit de peindre des paysages il préfère « Ce que l’on ne voit plus que dans sa mémoire » et c’est peut-être ce que l’artiste a voulu représenter en encadrant l’Italie dans cette lucarne.
Breakfast-Time, Hanna Hirsch-Pauli (1887)
Hanna Hirsch-Pauli peint une scène de vie, simple mais criante de réalisme. Peintre suédoise du XIXe siècle, elle se démarque par son style qui consiste à ne prendre comme modèle que des artistes et personnes qu’elle connaît personnellement – en particulier son mari – ce qui donne du relief et de l’intimité à son art. Dans son tableau Breakfast-Time, Hanna Hirsch-Pauli illustre un déjeuner en extérieur, à la campagne, accompagnée d’une jeune femme seule, en robe, amenant un plateau. La table – élément central de l’œuvre – est entourée de trois assises vides, prête à accueillir des convives. Tout de blanc vêtue, la table ronde est placée sous un arbre, ce que l’on peut deviner grâce au jeu d’ombres et au travail de la lumière sous forme de petites taches blanches et noires qui scintillent même sur la théière. Les feuilles de l’arbre qui surplombent la table sont peintes délicatement, par légères touches, ce qui donne de la douceur au tableau. Les différents tons de vert utilisés pour peindre la nature et le paysage qui entourent la scène principale créent de la profondeur et apportent des éléments de contexte dans cette scène paisible. En peignant cette œuvre, Hanna Hirsch-Pauli rappelle les repas d’été, frugaux et conviviaux.
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