Si l’on connaît simplement le carré Hermès de nom, ou que l’on s’émerveille devant ses innombrables motifs sans en savoir plus, derrière cette figure géométrique en soie se cache pourtant l’histoire d’une grande maison française, tout comme un savoir-faire unique et innovant, pour un foulard devenu iconique.
La pièce des stars
Avant de nous intéresser à sa fabrication et à son histoire, rendons à ce foulard unique ce qui lui appartient : à savoir une notoriété ayant franchi les portes des plus belles demeures d’Hollywood, comme les portiques des palais royaux…
Et si nous commencions par la fiction ? Pour mieux rejoindre la réalité… La lecture du Diable s’habille en Prada, de Lauren Weisberger, nous apprend que Miranda Priestly ne sort jamais sans avoir noué à son poignet, son cou ou la hanse de son sac à main, un carré de soie immaculé, discrètement estampillé Hermès sur l’étiquette. Carré qu’il lui arrive fréquemment d’oublier, au restaurant, à un rendez-vous professionnel, etc. Pas de problème, la papesse de la mode en possède des boîtes entières dans le placard de son bureau, toutes acquises aux frais de Runway, le magazine de mode dont elle est rédactrice-en-chef. Puisqu’on sait que le personnage de Miranda Priestly n’est que l’alter-ego littéraire d’Anna Wintour, rédactrice-en-chef du Vogue US, et grande manitou de la haute-couture, comme du prêt-à-porter, on peut sans surprise comprendre que l’anecdote s’applique, en vérité, à la journaliste, connue pour un autre carré (le casque de cheveux qu’elle accompagne toujours d’une paire de lunettes de soleil).
Si Anna Wintour préfère des carrés monochromatiques et blancs, les foulards Hermès sont avant tout connus pour leurs illustrations époustouflantes, tant pour leurs détails que leur palette. C’est d’ailleurs ornés de motifs que les préfère la reine Élisabeth II, souveraine du Royaume-Uni (entre autres). Vous visualisez la monarque à Buckingham Palace, le front ceint de son diadème ou un chapeau coloré sur la tête, plutôt qu’un superbe foulard Hermès autour du cou ? C’est normal, l’arrière-arrière-petite-fille de la reine Victoria les préfère comme fichus pour maintenir ses cheveux, notamment lorsqu’elle monte à cheval, chasse, jardine ou arpente les étendues sauvages du château de Balmoral, sa retraite écossaise à l’abri des vicissitudes du trône. Vous pensiez qu’avec son foulard sur les cheveux, la reine d’Angleterre délaissait un peu son style ? Détrompez-vous, même avec des bottes de pluie, Élisabeth II porte du Hermès…
Et finalement, il n’y a pas de surprise à ce qu’une cavalière émérite et éleveuse de chevaux comme l’est la reine Élisabeth affectionne ces accessoires portant l’empreinte équestre de la maison Hermès. Les motifs des carrés ont, ainsi, souvent été marqués par l’univers de l’équitation et du dressage, de même que la maison produit des articles de sellerie de luxe, en parallèle de la mode.
Un monde d’illustrations
Intéressons-nous justement aux motifs. C’est plusieurs milliers d’illustrations qui ont été préparées minutieusement pour être ensuite sérigraphiées sur le tissu, depuis la création de cet accessoire devenu œuvre d’art. Différentes thématiques cohabitent sur ces innombrables carrés de soie. L’univers équestre, on l’a dit, mais aussi un esprit animalier aux inspirations exotiques, comme les tigres, les léopards, les zèbres, etc., accompagnés par des pièces aux designs plus géométriques.
Les créateurs de la maison Hermès disposent d’un vaste choix de 75 000 couleurs, qu’ils distillent parfois par camaïeux (foulards aux dominantes rouges, bleues, orange, etc.) ou en créant des pièces multicolores.
En 2020, le carré Hermès innove et devient « double-face » : il est désormais possible d’imprimer deux motifs différents (avec chacun ses couleurs respectives) sur le recto et le verso d’un foulard !
Le jalon d’un siècle
Pourtant, bien avant d’en arriver là, le carré Hermès voit le jour très simplement comme mouchoir de luxe, en 1937, soit exactement un siècle après la fondation de la marque Hermès, par Thierry Hermès. C’est au directeur de la maison à ce moment-là, Robert Dumas, qu’on doit l’apparition de cet accessoire incontournable en soie.
Le mouchoir de col fait partie intégrante d’une tenue – à l’époque, personne ne sort jamais sans son mouchoir en tissu – et, dans le cas des pièces Hermès, compense sa forme carrée simple par des designs époustouflants, dans lesquels la complexité atteint la même qualité que la soie qui le compose.
Petit papillon deviendra grand
Non vegan, le plus célèbre des carrés est produit à partir de la soie du cocon d’un papillon originaire de Chine, le Bombyx du mûrier. Pour produire un seul carré Hermès, il faut près de 500 kilomètres de fil, soit la soie de 300 cocons, qui correspond au nombre d’œufs pondus par un Bombyx au cours de sa vie ! En effet, confectionnés en twill de soie, les foulards Hermès peuvent se targuer de leurs proportions plus que généreuses, avec leurs 90 centimètres de côté.
Depuis 1937, plus de 500 millions de carrés Hermès ont été vendus partout autour du monde.
Origami du carré Hermès
Ces millions de superbes motifs sont pourtant rarement exposés en-dehors des vitrines des boutiques de la marque. Eh oui, c’est le plus souvent replié sur lui-même et attaché qu’on porte le célèbre foulard.
Le carré Hermès peut se nouer dans les cheveux comme un bandana ou les couvrir, en guise de fichu, se porter autour du cou, attaché au poignet comme un bracelet, décorer un sac à main, etc. Pour permettre à ses clientes de ne perdre aucune occasion d’embrasser leur carré, Hermès a lancé en 2013 une application sur IOS ; Hermès Silk Knots permet d’apprendre tous les pliages et nouages possibles du carré, mais aussi des déclinaisons en châle (140 x 140 cm).
Les plus audacieuses portent ainsi leur carré comme un haut masquant la poitrine, ou une jupe – leur foulard bien serré autour de la taille. En plus du châle, le carré Hermès a aussi été décliné en 70 x 70 cm, en 45 x 45 cm (modèle Gavroche) et en bandanas (55 x 55 cm). Enfin, il n’est pas réservé qu’aux femmes : des modèles pour les hommes sont régulièrement dessinés.