Les éditions Delcourt publient le second tome du diptyque Tuez de Gaulle !, qui se penche plus avant sur l’attentat du Petit-Clamart, sa préparation, sa réalisation et ses suites.
La bande dessinée offre un terrain fertile pour le drame et l’action. Avec ses moments haletants, ses échanges de tirs, la tension de la préparation, l’angoisse de l’attaque manquée et la traque des conspirateurs, l’attentat du Petit-Clamart constitue un événement particulièrement propice à une adaptation graphique. Cela se vérifie à l’occasion de ce second tome : en recourant au langage visuel des planches dessinées, Simon Treins et Munch parviennent habilement à recréer l’urgence de ces moments intenses. Ils rendent palpable l’attente et donnent vie à cette histoire d’une manière bien plus viscérale qu’un texte seul ne l’aurait permis.
Le médium de la bande dessinée est en outre un outil pédagogique précieux quand il s’agit de se pencher sur certaines pages de l’histoire. Ainsi, le diptyque Tuez de Gaulle ! a non seulement exploré les menaces qui pesaient sur le Président français, mais aussi le contexte historique plus large : la guerre d’Algérie, la politique de la guerre froide et les tensions sociopolitiques internes en France. Dans le cas présent, le récit de l’attentat du Petit-Clamart a tout d’une fenêtre grande ouverte sur les divisions qui traversaient la société française à cette époque. Les motivations et les perspectives des différents acteurs sont explicitées, en ce y compris l’insouciance relative de De Gaulle et les points de vue de l’OAS ou de la CIA.
Tout pour achever le gaullisme
Durant le mois d’août de l’année 1962, la conspiration visant à assassiner le président Charles De Gaulle prend forme, dans un appartement parisien accueillant un improbable amalgame d’opposants. Si une première tentative échoue, les conspirateurs, que l’agent Kosta cherche à empêcher de nuire, ne renoncent pas pour autant à leur entreprise. Un voyage en voiture vers Colombey-les-Deux-Églises pourrait être l’occasion idoine, tant attendue, de mettre fin à un régime politique honni par une partie, souvent clandestine, de la France.
Le 22 août 1962, au cœur de la petite commune de Clamart dans les Hauts-de-Seine, la vie du général Charles de Gaulle a ainsi failli être écourtée. Six hommes armés ont tendu un guet-apens au chef de l’État français et ont déclenché un véritable déluge de feu sur sa Citroën DS. Malgré une pluie de quelque 140 balles, miraculeusement, de Gaulle et son épouse, Yvonne, sortent indemnes de l’attaque. Les assaillants doivent fuir, sans même se douter que leur ennemi politique se tient toujours debout, presque sans broncher.
Bien rythmée, partagée entre l’enquête policière, l’organisation du complot et les séquences d’action, cette suite fait mouche, en permettant notamment aux lecteurs de découvrir les arrière-cuisines des attentats visant l’ex-président de la République. L’arrestation grotesque de l’un des conspirateurs témoigne avec évidence du degré de pathétisme de sa bande : on néglige la reconnaissance des lieux, on ne réfléchit pas aux modes de fuite, on échoue à plusieurs reprises dans le timing. En ce sens, sans toutefois en faire une dimension prépondérante, la BD se nantit d’un certain humour.
L’aspect graphique se traduit quant à lui par le soin particulier accordé aux décors et aux détails. Et l’un dans l’autre, cette conclusion de Tuez de Gaulle ! a de quoi combler à la fois les férus d’histoire – l’album est très documenté, bien que certains mystères persistent – et les amateurs de bandes dessinées, qui se montreront certainement sensibles à la construction dramatique et à la densité des enjeux – politiques, sociologiques, historiques, humains…
Tuez de Gaulle ! (tome 2), Simon Treins et Munch
Delcourt, mai 2023, 56 pages