Tom et Lisa 1910 et jusqu’après la Grande guerre

Ce deuxième tome de La fortune des Winczlav suit donc Vanko 1848 toujours sur un scénario de Jean Van Hamme et des dessins de Philippe Berthet. Il nous apprend enfin l’origine annoncée de la fortune des Winczlav et s’intéresse à la descendance de Vanko.

L’album commence par un terrible accident qui décime toute une famille, faisant de Tom (Tommy) – fils de Milan et donc petit-fils de Vanko – l’héritier d’un véritable empire, celui bâti par la famille O’Casey propriétaire de la marque de whiskey irlandais du même nom. Le tout représente une somme très importante ainsi qu’une magnifique propriété. Si Tom hérite de tout cela, en réalité seul l’argent l’intéresse, car il laisse un fondé de pouvoir diriger cet empire. Tom envoie quand même des nouvelles à sa mère (Julie), partie depuis longtemps (il était tout petit), en Europe avec sa fille (Lisa), qui est donc la sœur de Tom. Julie voulait protéger sa fille de l’influence regrettable de Milan, son père. Avec les nouvelles, Tom envoie un gros chèque qui profite à sa sœur qui a le pilotage d’avions comme passion, ce qui nous vaudra un certain nombre de planches en vues aériennes. De plus, Lisa participera à la Grande guerre et rencontrera même le fameux pilote allemand surnommé Le Baron Rouge. Une idylle aurait pu se nouer mais Le Baron Rouge se fait abattre un beau matin, alors qu’il avait à peine 25 ans. Le scénario de Jean Van Hamme joue sur le fait qu’on n’a jamais pu identifier avec certitude qui avait réussi à abattre le pilote allemand.

Exploration de thèmes rebattus

Encore une fois, on sent que cet album était prévu à la base comme un roman, en particulier lors des longs échanges épistolaires entre Lisa et sa mère qui séjourne aux États-Unis. Comme dans l’album précédent, les péripéties sortent du chapeau de Van Hamme sans qu’il réussisse à nous passionner. Même les parties aériennes restent assez plates, malgré quelques combats (les manœuvres des pilotes restent bien vagues), la crédibilité venant essentiellement des décors (tranchées, dirigeable, etc.). En dehors de cette partie, l’essentiel tourne encore une fois autour de l’argent et de l’amour (disons surtout de la séduction). Un des points fondamentaux du récit concerne une découverte que Tom fait dans la propriété dont il hérite, en découvrant une grotte obstruée dont il ne peut résister à l’envie de comprendre pourquoi elle reste ainsi (suite à une sorte d’interdit toujours respecté jusque-là). Les lecteurs-lectrices du premier album comprennent immédiatement ce qui s’est passé quand Tom fait la découverte de ce qui était caché aux yeux de tous depuis fort longtemps. L’album est quand même un peu plus agréable que le précédent, en particulier grâce aux séquences aériennes qui aèrent l’ensemble et procurent de l’action bienvenue. Mais Van Hamme ne peut pas s’empêcher d’exploiter ses connaissances pour multiplier les points d’accroche dans l’intrigue. Ainsi, il fait de Lisa une employée de Louis Blériot, ce qui nous vaut une nouvelle histoire de gros sous liée à l’évolution des entreprises qui s’intéressent à l’essor de l’aviation. Et n’oublions pas la Prohibition (survolée).

Tom

En début d’album, Tom vit avec Sandy, une jeune brune mignonne et arriviste, très calculatrice au caractère autoritaire. De plus, elle considère que l’argent lui donne tous les droits. Et comme tout sera à son nom, elle va tout diriger à son idée, faisant de Tom un homme entretenu, ce qui convient bien à ce grand dadais un peu naïf et qui aime se la couler douce. Mais leur rachat d’un saloon en début d’album tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, car le scénario néglige d’expliquer comment et pourquoi ils en sont arrivés là. Une fois dans la peau de l’héritier, Tom s’éloigne de Sandy et se montre insensible à ses soucis.

Julie

La réception du gros chèque de Tom incite sa mère à revenir en Amérique, où un certain Eamon Flanagan lui explique la situation financière florissante de l’entreprise O’Casey et le je-m’en-foutisme de Tom qui se contente de profiter de son héritage. Comme par hasard, Flanagan se révèle être un ancien admirateur de Julie du temps où elle participait au show de Buffalo Bill en tirant à la carabine et il n’aura de cesse de la séduire. On note donc les liens toujours aussi forts de l’intrigue avec la séduction et l’argent (au détriment de l’aspect humain). Le thème de l’argent (majeur, omniprésent) revient avec le crack boursier de Wall street (1929), qui amènera finalement Tom à trouver sa voie, de façon très pragmatique, pour ne pas dire cynique.

Promotion

Pour conclure ces observations sur le deuxième tome de La fortune des Winczlav, impossible d’échapper à l’analyse du titre, qui, aussi simple qu’efficace, laisse entendre qu’il est essentiellement question d’argent (plus que de bonne fortune), dans ce diptyque qui montre l’ascension d’une lignée, avec tout ce que cela peut entraîner sur les individus la composant. À noter également la campagne publicitaire autour de ce diptyque, puisque de grands panneaux (estimation 4 m x 3 m) sont visibles dans certaines stations du métro parisien, montrant en grande taille les couvertures des deux albums sur fond d’une vignette agrandie autant que possible du drame humain (mais anonyme) lié au crack de Wall street. Une telle campagne publicitaire pour de la BD reste encore tellement rare. Elle dénote à mon avis un objectif élevé au niveau des ventes. Ceci dit, il existe tant d’autres albums qui mériteraient une meilleure diffusion. Il semblerait qu’on applique un principe simple, à savoir que l’argent attire l’argent.

Tom et Lisa 1910 – La fortune des Winczlav (tome 2), Jean Van Hamme et Philippe Berthet
Dupuis, mai 2022

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3