Harlem, avec ses notes jazz et son souffle de musique noire, n’aurait pas été le même sans le théâtre de l’Apollo. Dans l’ouvrage Showtime at the Apollo, Ted Fox et James Otis Smith révèlent non seulement les illustres artistes qui y sont montés sur scène, mais aussi les tumultes et les triomphes de cet emblématique lieu de spectacle.
Plus qu’un lieu de divertissement, l’Apollo occupe une position centrale dans la culture noire américaine. Son histoire, racontée en plusieurs actes, est tirée des nombreux témoignages de ceux qui l’ont fréquenté. Depuis ses débuts au milieu des années 1930, l’Apollo n’a cessé de monter en puissance, et Harlem est peu à peu devenu le lieu de rendez-vous des artistes noirs. Ted Fox a commencé à écrire sur l’Apollo au début des années 1980. Ce roman graphique tricolore (blanc, bleu, noir) est tiré de ses écrits et mis en vignettes par l’excellent James Otis Smith.
Showtime at the Apollo ne se limite pas à dépeindre les moments de gloire où James Brown et George Clinton arpentent la scène du théâtre sous les acclamations du public. L’album fait écho au contexte social et rappelle des périodes plus sombres, comme les émeutes de 1935, de 1943 ou des années 60. À chaque fois, tout est mis en place pour que le théâtre Apollo soit épargné. L’endroit est presque sacralisé.
Il faut dire que son histoire est profondément liée à tous ces artistes qui en ont fait la réputation : des danseurs de haut vol, Aretha Franklin, Billie Holliday, Bob Marley, Ella Fitzgerald, Smokey Robinson, Jimi Hendrix ou les Jackson Five. Mais bien que l’Apollo ait été un phare pour les artistes et le public, il a également connu des temps difficiles. Les pressions financières et les fermetures imposées ont pesé sur le théâtre. Malgré tout, l’Apollo est resté debout. Il a été repris, rénové et proclamé monument historique de New York.
Showtime at the Apollo n’est pas seulement un hommage à un théâtre, mais une ode à Harlem et à la culture noire américaine. Les auteurs reviennent sur la migration noire à Manhattan, la toxicomanie (par exemple à travers Charlie Parker ou Frankie Lymon), le swing, la consécration des DJ dans les années 1950 ou la domination des studios Motown et Atlantic sur la musique noire dans la décennie suivante. L’Apollo apparaît de bout en bout comme l’un des points culminants de New York. Un lieu d’émulation artistique, où la passion devient éminemment communicative – demandez donc à Elvis Presley ou Barack Obama – et où se forment les plus belles (ou parfois tragiques) histoires.
Formé d’anecdotes personnelles, enrichi de coupures de presse, le roman graphique de Ted Fox et James Otis Smith ne saurait cacher la fascination de ses auteurs pour leur objet. La salle, qui fêtera ses 90 années en 2024, est décrite comme une seconde maison pour les artistes et comme un espace d’expérimentation et d’exposition ayant peu d’équivalents à New York. L’ancien propriétaire Bobby Schiffman (1961-1974) apporte à lui seul, aux lecteurs, une somme d’informations proprement vertigineuse. Indispensable.
Showtime at the Apollo, Ted Fox et James Otis Smith
Glénat, septembre 2023, 240 pages