Avec Pillow Man, paru aux éditions Glénat, Théo Calméjane porte en vignettes une comédie sociale touchante, articulée autour de réflexions sur la solitude moderne et la redéfinition de soi. Son roman graphique relate l’histoire de Jean, un ancien chauffeur routier devenu… « oreiller vivant ».
Jean, le protagoniste principal de Pillow Man, est un quadragénaire au chômage depuis trois longues années. Durant ce temps, il a multiplié les démarches infructueuses pour retrouver un emploi. Il éprouve un certain désarroi face à cette situation, ce qui le conduit à répondre à une offre pour le moins étrange : un poste réservé aux insomniaques, aux contours relativement obscurs.
Contre toute attente, Jean est embauché, mais le travail proposé par Geneviève, sa nouvelle patronne, s’avère pour le moins insolite. Désormais vêtu d’un pyjama comme uniforme, l’homme devient un « oreiller vivant », payé pour offrir sa douceur corporelle et sa présence réconfortante aux personnes qui peinent à trouver le sommeil. Ainsi, chaque nuit, il se rend au domicile de ses clients et clientes, et cherche à les apaiser pour qu’ils puissent tomber dans les bras de Morphée.
Malgré quelques doutes, Jean finit par apprécier ce travail. Loin des standards habituels, il n’en demeure pas moins épanouissant : l’ancien chauffeur se sent enfin utile et doué. Pour lui, c’est une source de revenus appréciable, mais aussi l’incubateur d’un renouveau personnel. Il retrouve confiance en lui et apprend à accepter un corps qu’il n’appréciait plus.
Sous ses airs légers, le récit questionne la solitude et la place du corps dans notre société. Jean se réapproprie son corps, son travail devenant une forme d’acte thérapeutique, à la fois pour lui et pour ses client.e.s. Et en offrant sa présence et son moelleux corporel, non seulement il apprend à dépasser ses complexes, à accepter ses formes et à se reconnecter à son être physique, mais il apporte à ceux qui recourent à ses services une quiétude et une chaleur humaine qu’ils ne trouvaient plus ailleurs.
Tout n’est pas rose pour autant. Si Jean trouve un sens et une fierté dans son nouveau travail, ce dernier n’est pas sans poser des questions éthiques et personnelles. Bien entendu, le respect des règles, qui interdisent par exemple toute intimité physique avec les client.e.s, permet d’en baliser le terrain. Mais Jean ne peut néanmoins avouer clairement la teneur de ce nouveau métier à ses proches, et notamment à sa compagne, à qui il déclare travailler comme veilleur de nuit pour LVMH.
Cette situation crée un fossé grandissant entre eux. Lorsque Marianne découvre la vérité, c’est tout l’équilibre du couple qui vacille. Entre incompréhension, colère et doutes, Jean et Marianne se retrouvent confrontés à une crise existentielle qui questionne la nature de leur amour et de leur confiance mutuelle. Marianne apparaît en effet désemparée ; elle ne comprend pas comment son compagnon a pu choisir un métier aussi étrange et lui demande de se justifier. Il tente alors de lui faire comprendre la précarité de sa situation, les années de galère et l’humiliation des recherches d’emploi infructueuses…
Pillow Man problématise la solitude dans un monde ultraconnecté, la redéfinition du travail, l’acceptation de soi et la quête d’un sens dans nos vies. En mettant en scène un homme qui se redécouvre à travers un métier singulier, Théo Calméjane nous invite à repenser notre rapport au travail, au corps et à l’autre. Avec légèreté et originalité.
Pillow Man, Théo Calméjane
Glénat, septembre 2024, 224 pages