L’histoire de Missak Manouchian et de son groupe de résistants forme le cœur de la bande dessinée Missak, Mélinée et le groupe Manouchian. Fresque retraçant le parcours d’un héros de la Résistance française contre l’Occupation nazie, cette œuvre, née de la collaboration entre Jean-David Morvan, Thomas Tcherkézian et Hiroyuki Ooshima, et publiée aux éditions Dupuis, se distingue par son ancrage profond dans l’histoire, avec une résonance très actuelle, liée à la panthéonisation du couple Manouchian.
La bande dessinée plonge d’emblée le lecteur dans le contexte tumultueux du début du XXe siècle, marqué par les atrocités du génocide arménien. La déportation, les camps de concentration et les massacres de masse y sont dépeints avec une acuité douloureuse, témoignant de la genèse tragique de Missak Manouchian. Rescapé de ce génocide, l’orphelinat catholique arménien devient pour lui et son frère Garabed un lieu de souffrances mais aussi de résilience, où Missak commence, déjà, à forger son esprit de résistance, allergique aux injustices.
Arrivé en France grâce au passeport Nansen, Missak Manouchian découvre la solidarité ouvrière et la précarité des exilés. Cette dernière apparaît par exemple dans le camp de fortune qui l’accueille : le provisoire devient durable, et la vie s’organise dans la promiscuité et le manque. L’engagement politique du jeune Arménien prend racine dans cette période de lutte et de désenchantement. Adhérant au Parti communiste français en 1934, il poursuit un enrichissement intellectuel à la Sorbonne, tout en s’impliquant dans la vie politique et culturelle de l’époque. Sa rencontre avec Mélinée marque le début d’un compagnonnage tant amoureux que militant, scellant leur destin à celui de la Résistance. C’est précisément celle-ci qui va former le corps de l’album.
Dans ses premières pages, Missak, Mélinée et le groupe Manouchian dévoile les affiches de la propagande nazie contre le groupe Manouchian. Les auteurs posent ainsi le cadre d’un récit où la xénophobie et le mensonge servent la cause idéologique nationale-socialiste. Ceux qui finiront fusillés, ces résistants prêts à tout pour contrecarrer les plans allemands, font l’objet d’une diffamation assumée. Car l’album tout entier est dédié à la lutte acharnée de Manouchian et de ses camarades contre l’occupant allemand. Les actions de résistance, décrites avec un souci du détail et une réelle intensité dramatique, illustrent la détermination sans faille de ces hommes et femmes à combattre l’injustice et la tyrannie.
Les compagnons de lutte de Manouchian nous sont présentés les uns après les autres, dans des planches génériques : leur portrait et un cartouche explicatif. L’album ne se contente pas de glorifier leurs actes ; il interroge aussi sur le prix de la liberté et le poids du sacrifice. Attaque à la grenade ou au fusil, lors d’un transport, d’un rassemblement ou dans une cantine, parfois directement visés dans les casernes, les Allemands, oppresseurs, subissent dans leur chair les actions d’insoumission de ces combattants de l’ombre.
Missak, Mélinée et le groupe Manouchian est un hommage convaincant à ceux qui ont refusé de céder face à l’oppression. À travers le prisme de Missak Manouchian, l’album invite à une réflexion profonde sur les valeurs de courage, de solidarité et de résistance, qui continuent d’inspirer les générations futures, comme en témoigne la panthéonisation de Missak et Mélinée.
Missak, Mélinée et le groupe Manouchian, Jean-David Morvan, Thomas Tcherkézian et Hiroyuki Ooshima
Dupuis, février 2024, 160 pages