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« Les Migrants du temps » : à travers les âges

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Delcourt publient le quinzième et dernier tome de la série Les Futurs de Liu Cixin. « Les Migrants du temps » raconte l’histoire de 80 millions de réfugiés cherchant à s’établir dans un futur plus prospère et durable. Et qui vont de surprise en surprise.

« Cette migration dans le temps est un projet universel porté par toutes les nations de la Terre. » Comme souvent, Liu Cixin imagine un avenir privé d’espoir, confronté à une nature humaine autodestructrice et aux affres du bouleversement climatique. Cette fois, la science ne sera d’aucun secours immédiat, puisque Wu Feng, en qualité d’ambassadeur, aura la lourde charge de représenter l’homme de l’Anthropocène face à des civilisations futures qui, chacun l’espère, auraient trouvé une solution satisfaisante à la catastrophe environnementale.

Prenant place dans des caissons de cryogénisation, Feng et ses acolytes savent qu’ils ne pourront gérer que quatre réveils et que leur voyage ne pourra en aucun cas excéder les 1200 ans. La quête d’un nouvel éden commence par un bond temporel de 100 années. Les migrants sont confrontés à un monde scindé en deux blocs qui s’opposent militairement, dans un contexte de raréfaction des ressources naturelles. L’Organisation mondiale des conflits opère des calculs sibyllins pour connaître l’issue d’une guerre putative et le leader Sedi Dexa, refusant d’admettre la défaite des siens, projette d’employer les migrants temporels comme chair à canon.

Non sans peine, les migrants temporels s’extirpent de ce bourbier pour tenter leur chance dans un ailleurs encore plus lointain : cette fois, le bond sera de 500 années. Six réflecteurs sont alors en orbite pour exploiter l’énergie du soleil, la technologie apparaît plus avancée, avec notamment la présence de transmetteurs quantiques, mais Wu Feng, soucieux de conserver son humanité, repousse d’un revers de main la perspective de vivre dans une société qui ne les accepterait qu’en procédant par ségrégation. Nouvel essai, cette fois de mille ans. Le monde extérieur étant devenu inhospitalier, les humains se sont réfugiés dans un monde immatériel, l’Abstrakt. Ils peuvent vivre par la seule puissance de leur imagination dans des réalités parallèles, pour l’éternité. Mais cette solution n’est pas pleinement satisfaisante. Et cette civilisation future ne manifeste pas un enthousiasme débordant à l’idée de les accueillir : « L’intérêt est proche de zéro. Nos individualités immatérielles voient plutôt d’un mauvais oeil l’arrivée d’humains primitifs provenant d’un passé lointain. »

Dans l’adaptation de Sylvain Runberg et Serge Pellé, les écueils se multiplient durant le long périple des migrants temporels. À chaque fois, l’homme, par sa nature ou ses actes, empêche toute forme de dialogue constructif et d’entente avec Wu Feng et les siens. En ce sens, le récit apparaît pessimiste, même si sa conclusion apporte l’espoir d’un renouveau. Sans déployer des trésors d’imagination, « Les Migrants du temps » constitue un témoignage assez habile sur les travers de l’humanité et sur la nécessité, vitale, de respecter notre milieu de vie. Il condense aussi, d’une certaine façon, toutes les thématiques qui ont constitué l’étoffe de cette série, du solutionnisme technologique aux conflictualités humaines en passant par la dégradation environnementale.

Les Futurs de Liu Cixin : Les Migrants du temps, Sylvain Runberg et Serge Pellé
Delcourt, septembre 2023, 70 pages

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