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« Les Cardinaux » : déroute maritime française

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Peintre officiel de la Marine belge, Jean-Yves Delitte publie Les Cardinaux dans la collection « Les Grandes Batailles navales » des éditions Glénat. Alors que la guerre de Sept Ans s’enlise, les Français tentent un coup de poker face à leurs ennemis anglais…

Le dossier didactique qui clôture Les Cardinaux fait état des défaillances maritimes françaises au moment de la guerre de Sept Ans. Depuis la disparition de Louis XIV, au début du XVIIIe siècle, la marine nationale se repose sur ses acquis. Les nominations de responsables, peu pertinentes, sont laissées à l’entière discrétion du Roi. Les trois principaux arsenaux du Royaume demeurent sans activité, ou presque, et envahis par la végétation. Pis, pendant le conflit qui nous intéresse, et qui oppose les Anglais aux Français, le comte de Conflans se perd en mer pendant près d’une semaine. La flotte française est rapidement repérée par la division de Duff, et ensuite par l’imposante escadre de l’amiral Hawke. Les Anglais ont l’avantage du vent ; les Français fuient plus qu’ils ne combattent. Ils sont en infériorité numérique dans une bataille désordonnée où les fausses manœuvres, les abordages involontaires et les virements de bord manqués se succèdent sans discontinuer.

Dans Les Cardinaux, Jean-Yves Delitte exerce ses talents de dessinateur, et notamment à la faveur de deux doubles-pages flatteuses. La première présente le port de Portsmouth, lieu d’attache des principales escadres de la Royal Navy. La seconde concerne la rade de Brest. Ces deux représentations, bien que vertigineuses, ne suffisent pas à attester des forces en présence, ni du contexte historique qui les enserre. Le milieu du XVIIIe siècle voit le Saint Empire péricliter, miné par les guerres intestines. Et quand des traités de paix sont signés, ils demeurent insatisfaisants. Ainsi, l’histoire bégaie et « même quand le silence se fait, le bruissement d’une guerre n’est jamais loin ».

Tandis qu’une flotte de vaisseaux est abandonnée dans les rivières et attise les convoitises des saboteurs et des voleurs, alors que la marquise se désole des caprices des uns et de l’incompétence des autres, le Royaume de France de Louis XV va élaborer un plan audacieux pour prendre le dessus sur les Anglais. Nous sommes alors en 1759, en pleine guerre de Sept Ans. Dans un récit d’à peine 50 pages, Jean-Yves Delitte va narrer les pertes humaines, les maréchaux devant leurs titres aux courbettes, les plans erronés et, finalement, les vaisseaux français pris à leur propre piège, victimes d’une météo maussade et d’une incurie impardonnable, quand ils ne renoncent pas simplement à combattre. « On peut dire qu’en cette matinée de novembre, la marine française a honteusement sombré ! », résume-t-on sans exagérer. Bien que le récit, hâté, puisse par moments paraître un peu confus, le dossier final ne manquera pas d’apporter les éléments factuels permettant d’en contextualiser les enjeux.

Les Cardinaux, Jean-Yves Delitte
Glénat, octobre 2022, 56 pages

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