Roman graphique de Margaux Reinaudo et Louise Giovannangeli, paru aux éditions Marabulles, L’Équation à trois cœurs raconte l’histoire de Jeanne, une jeune femme parisienne aux prises avec une relation amoureuse triangulaire, complexe et toxique. En proie aux doutes et aux désillusions, elle va être confrontée aux tourments d’une relation asymétrique marquée par la manipulation et l’égoïsme masculin.
Jeanne, trentenaire vivant à Paris, mène une vie amoureuse relativement conventionnelle, jusqu’à ce qu’elle tombe amoureuse de Paul, un collègue de travail. Ce dernier est déjà en couple avec Solène, mais son attachement pour lui l’emporte et fait naître une liaison adultère. Jeanne espère que cette histoire d’amour naissante amènera Paul à reconsidérer son couple et qu’ils sauront, ensemble, faire fi des obstacles. Ce qu’il lui propose après quelques semaines est d’une tout autre nature : essayer le polyamour dans une relation triangulaire où chacun est censé avoir une place équitable.
Paul est un personnage principalement défini par ses traits toxiques : il est manipulateur, hypocrite et centré sur ses propres désirs. Il fait des promesses qu’il ne tient jamais, offre une attention à géométrie variable, joue avec les émotions de Jeanne pour maintenir son emprise sur elle. Lorsqu’il propose une relation à trois avec Solène, Jeanne, malgré son manque de désir et d’intimité avec Solène, accepte. Mais ce qui est en découle la plonge dans un profond désarroi… Alors que Jeanne aspire à une relation sincère et épanouissante, elle se retrouve continuellement reléguée au second plan.
Paul continue de maintenir des liens forts avec Solène. Cette relation à trois n’est pas tant une exploration du polyamour que la perpétuation d’un déséquilibre de pouvoir où Jeanne est constamment mise en compétition avec Solène. Les moments de complicité que Paul partage avec Solène, plus nombreux, tendent à dévaloriser Jeanne, la plongeant dans le doute et l’insécurité. Cette spirale de manipulation et de malhonnêteté contribue à l’épuisement émotionnel de Jeanne, qui se voit de plus en plus isolée, tant des autres que d’elle-même.
Paul se montre capable de mensonges systématiques pour éviter toute confrontation avec la vérité de ses actions, utilisant le moindre prétexte pour justifier ses comportements inappropriés. Son attitude envers Jeanne est un exemple flagrant de l’égoïsme masculin et de l’exploitation émotionnelle. Il est pourtant difficile, tant pour Jeanne que pour Solène, de percer à jour Paul : il multiplie les mensonges, joue l’une contre l’autre, s’empare du moindre prétexte pour papillonner et mentir à celle auprès de qui il devrait être.
Au fil des pages de L’Équation à trois cœurs, Jeanne traverse une véritable descente aux enfers. Paul parvient à phagocyter sa vie. Jeanne finit par renoncer à des aspects essentiels de son identité. Son épuisement émotionnel est d’autant plus marqué par le confinement que Paul choisit de passer avec Solène, laissant Jeanne seule et encore plus vulnérable. Cette expérience, comme d’autres, accentue son sentiment de trahison et de perte de soi. L’intrigue met ainsi en lumière les conséquences dévastatrices d’une relation déséquilibrée, où le contrôle et l’exploitation font loi, remplaçant le respect mutuel et l’affection sincère.
L’Équation à trois cœurs offre une critique acerbe de la masculinité toxique et des dynamiques de pouvoir asymétriques au sein des relations amoureuses. Margaux Reinaudo et Louise Giovannangeli montrent, avec sensibilité, comment l’amour, lorsqu’il est aveuglé par le déni et la manipulation, peut mener à une destruction intérieure…
L’Équation à trois coeurs, Margaux Reinaudo et Louise Giovannangeli
Marabulles, septembre 2024, 144 pages