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« Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire » : celui qui a du réseau

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Publié en 2009, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire est le premier roman de l’écrivain suédois Jonas Jonasson. Traduit en de nombreuses langues, le livre est rapidement devenu un phénomène littéraire mondial, aujourd’hui adapté sous forme de roman graphique par Grégoire Bonne et Taillefer, aux éditions Philéas.

À travers le prisme d’un humour décalé et d’une narration non linéaire, Jonas Jonasson entraîne ses lecteurs dans les nombreuses péripéties vécues par Allan Karlsson, un centenaire qui refuse obstinément de se conformer aux attentes de son entourage. Ce premier roman se caractérisait déjà par une satire mordante et une affection pour les personnages excentriques, ouvrant la voie aux œuvres ultérieures de l’auteur suédois, telles que L’Analphabète qui savait compter et L’Assassin qui rêvait d’une place au paradis.

Grégoire Bonne et Taillefer conservent la dimension absurde et rocambolesque du récit, en donnant à voir un vieillard récalcitrant, fugueur, déroutant les forces de l’ordre et plongeant ceux qui croisent sa route dans des aventures extraordinaires auxquelles ils n’étaient pas forcément prédestinés. Au début de l’histoire, Allan Karlsson est sur le point de fêter ses cent ans dans une maison de retraite, dont il décide de s’échapper par la fenêtre de sa chambre. Bientôt, en compagnie de nouveaux amis rencontrés en cours de route, il se retrouve mêlé à une affaire criminelle impliquant une valise remplie d’argent. Et parallèlement, le roman graphique retrace les moments marquants de sa vie, en révélant au passage comment il a influencé certains événements historiques majeurs du XXe siècle, presque sans le vouloir.

L’approche narrative de Jonas Jonasson, qui consiste à combiner des événements historiques réels avec des situations fictives absurdes, reflète un penchant consommé pour le postmoderne et la déconstruction des grands récits historiques. Allan Karlsson incarne une certaine philosophie de l’existence en vertu de laquelle les conventions sociales et les attentes sont constamment mises à mal. Ses souvenirs permettent aux auteurs de revisiter et satiriser des événements historiques et politiques importants, impliquant notamment Franco, Staline et Truman. Le protagoniste, spontané, parfois un peu niais, semble naviguer sans effort à travers le chaos du XXe siècle.

Initialement, le périple d’Allan est avant tout motivé par une quête de liberté. Il cherche à échapper à la surveillance étouffante de la maison de retraite pour retrouver une forme d’autonomie et vivre de nouvelles aventures revivifiantes. Cette volonté s’inscrit en écho au désir universel d’évasion des contraintes imposées par la société, l’âge ou les circonstances personnelles. Très vite, l’irrationalité va toutefois présider aux rebondissements de l’intrigue : Benny se mêle à la fuite du vieillard et fait montre de compétences aussi infinies qu’improbables, tandis que policiers et voleurs semblent quelque peu démunis face à la situation et à la personne d’Allan.

Il est difficile de ne pas penser à Forrest Gump en lisant Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire. Avec son personnage qui traverse l’histoire de manière inattendue et qui rencontre les grands dirigeants du monde sans y accorder la moindre gravité, une filiation naturelle s’instaure entre les deux œuvres. Mais dans le roman de Jonas Jonasson, et dans l’adaptation qui nous intéresse, c’est le mélange d’aventures, de tendresse et d’ironie qui va prévaloir, puisque le vieux Karlsson va être suspecté de vol, puis de meurtre, enfin de criminalité en bande organisée, et ce tant par la police que par des gangsters.  

Mine de rien, Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire comporte une critique implicite de l’histoire officielle et des héros historiques. Jonas Jonasson suggère que les grands événements résultent souvent de hasards et de décisions irrationnelles, plutôt que de la grandeur ou de la sagesse des leaders mondiaux. Mais cette thématique demeure très secondaire, puisque la légèreté et l’improbabilité donnent à ce roman graphique tout son sel. Avec une certaine habileté.

Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire, Jonas Jonasson, Grégoire Bonne et Taillefer
Philéas, mai 2024, 112 pages 

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