La Tigresse bretonne, de Roger Seiter et Frédéric Blier, raconte l’histoire de Jeanne de Belleville, la première femme pirate, désireuse de venger la mort de son époux. Ce récit, inspiré de faits réels, se déroule au XIVe siècle, dans un contexte de guerre et de trahison. La vengeance devient alors la seule motivation d’une femme brisée par l’injustice.
L’histoire débute en 1343. Philippe VI, roi de France, ordonne l’exécution pour trahison d’Olivier de Clisson, un seigneur breton. Cet acte est dicté par la suspicion mais surtout les jeux de pouvoir politiciens. Il va pourtant déclencher une suite d’événements imprévus, menés par une veuve déterminée à faire payer le prix fort à ceux qui ont causé la mort de son mari. En effet, Jeanne de Belleville, consumée par la colère et l’injustice, refuse de rester passive face à la cruauté royale. Elle prend les armes, convainc de plus en plus de personnes de rejoindre sa croisade et plonge tout le Royaume dans une spirale de violence, jusqu’à devenir une figure redoutée sur les mers, sous le surnom de « Tigresse bretonne ».
La transformation de Jeanne est progressive, mais inexorable. Elle passe d’une femme noble et respectée à une figure de terreur prête à tout pour assouvir sa vengeance. Le basculement se produit de manière définitive lorsque la tête de son mari lui est envoyée dans un colis. C’est entendu : le blason des Clisson, souillé par la cruauté royale, doit retrouver son lustre d’antan. « Éliminer Olivier de Clisson devait me permettre d’asseoir mon autorité sur l’ouest du pays ! Et voilà qu’une veuve assoiffée de vengeance m’oblige à mener une guerre en Bretagne. Maudites soient les femmes qui se mêlent de la politique ! »
Jeanne de Belleville assiège la forteresse de Touffou, réputée imprenable, et, avec l’aide de ses alliés, s’empare de la place forte. La cruauté de ses actes est soulignée par les scénaristes : elle n’hésite pas à ordonner la décapitation de ceux qui se rendent ou à mutiler les blessés avant de les jeter à la mer. Son objectif est clair : faire trembler le royaume de France. Les affrontements se succèdent et Jeanne de Belleville, loin de se laisser abattre, décide d’attaquer le roi là où il est le plus vulnérable : sur les mers. Elle met en place une flotte, recrute des marins prêts à tout et se lance dans une campagne de terreur sur les navires marchands du roi de France.
Cependant, cette soif de vengeance finit par devenir un fardeau pour Jeanne. Guillaume, son fidèle compagnon d’armes, lui fait remarquer la cruauté de ses actions et l’impact dévastateur qu’elles peuvent avoir sur ses enfants. Jeanne, aveuglée par la haine, n’a pas réalisé qu’elle mettait en danger la vie de ses fils. La violence qui l’a poussée à agir commence à la consumer de l’intérieur. « La colère m’a aveuglée. Mon devoir était de protéger mes fils, pas de les entraîner dans cette folie. »
La Tigresse bretonne navigue habilement entre la réalité et la légende. Si Jeanne de Belleville est bien un personnage historique, la bande dessinée prend certaines libertés pour dramatiser son récit et en faire une figure mythique de la piraterie. Les scénaristes, Roger Seiter et Frédéric Blier, ont dû jongler avec des sources parfois contradictoires et des zones d’ombre dans l’histoire de Jeanne. L’œuvre met en revanche parfaitement en lumière la faiblesse du pouvoir royal au milieu du XIVe siècle, par laquelle Jeanne ressort renforcée. Très réussi.
La Tigresse bretonne, Roger Seiter et Frédéric Blier
Bamboo, août 2024, 64 pages