Aux éditions Glénat paraît La Soucoupe et le Prisonnier, de Jean-Charles Chapuzet et Boris Golzio. L’album se penche sur la figure tragicomique de Jean-Claude Ladrat, passé à la postérité pour avoir fabriqué des soucoupes dans son jardin.
En 2018 paraissait aux éditions Marchialy un ouvrage intitulé Mauvais plan sur la comète. Jean-Charles Chapuzet y retraçait le parcours de Jean-Claude Ladrat, l’une des figures emblématiques de l’émission Strip-tease. La bande dessinée qui nous intéresse aujourd’hui, La Soucoupe et le Prisonnier, constitue le prolongement de cette rencontre mémorable. Son intérêt tient essentiellement en un point : évoquer l’histoire d’un inventeur surréaliste qui aura marqué les années 1990. Et expliquer comment ce dernier a pu passer de la fabrication d’une soucoupe dans son jardin à la prison.
Jean-Claude Ladrat caresse un rêve : rejoindre les Bermudes depuis sa Haute-Saintonge. Pour ce faire, il va errer pendant 91 jours dans l’Atlantique, à bord d’une soucoupe patiemment confectionnée par ses soins. L’expédition comporte des risques : il pourrait échouer, mourir de faim, se perdre en mer… L’album en témoigne longuement. Mais Jean-Claude Ladrat semble au-dessus de tout cela : l’aventure, qu’il faudrait probablement appeler « mission » puisqu’elle lui a été dictée par une voix surnaturelle, vaut bien ces quelques risques.
La Soucoupe et le Prisonnier n’est pas seulement le portrait d’un jusqu’au-boutiste qui a fait les gros titres de la presse dans les années 1990. C’est aussi une histoire filiale peu banale, puisque Suzanne, la mère de Jean-Claude, avec qui il vit, le soutient dans son entreprise, qui prend un nouveau tour lorsqu’il décide de s’atteler à une soucoupe… volante ! Boris Golzio met en images l’avant et l’après-gloire cathodique de ce fermier-inventeur-explorateur aussi absurde que convaincu. Ses planches sont dominées par les teintes bleutées, sépia ou rosées, dans lesquelles se fondent des dessins le plus souvent expurgés d’autres couleurs.
L’album revient aussi sur la condamnation aux assises de Jean-Claude Ladrat, ancien marin reconverti, prétendument par naïveté, en délinquant sexuel. Il expose la manière dont le village de Germignac a été durablement lié à ses histoires loufoques. Un ancien maire résume ainsi : « N’empêche, encore aujourd’hui, tapez Germignac dans Google, vous tombez sur la soucoupe ! » À la lecture de l’album, on devine un Jean-Charles Chapuzet fasciné, parfois amusé, et considérant probablement dans un même élan Ladrat comme un individu attachant mais dysfonctionnel.
C’est cette impression qui perdure en tout cas après la lecture de La Soucoupe et le Prisonnier. L’album, généreux en bonds temporels, ce qui lui confère un air faussement décousu, est précisément intéressant de par la distance qu’il instaure vis-à-vis de son antihéros. Un personnage qu’on croirait romancé tant il sort de l’ordinaire. C’est sans doute ce qui a poussé Jean-Charles Chapuzet et Boris Golzio à lui consacrer une bande dessinée (alors qu’existaient déjà un livre et une émission télévisée).
Aperçu : La Soucoupe et le Prisonnier (Glénat)
La Soucoupe et le Prisonnier, Jean-Charles Chapuzet et Boris Golzio
Glénat, avril 2021, 96 pages