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« Kiss the Sky » : du rififi au riff

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Jean-Michel Dupont et Mezzo publient le premier tome de Kiss the Sky aux éditions Glénat. Ils s’y penchent sur les premiers pas du jeune Jimi Hendrix dans un microcosme musical qui fait alors figure, pour lui, d’échappatoire…

Si sa carrière internationale a tôt été entravée par une mort précoce, survenue à l’âge de vingt-sept ans, Jimi Hendrix a néanmoins eu le temps de marquer durablement de son empreinte le monde de la musique, au point d’être régulièrement cité parmi les guitaristes les plus talentueux de l’histoire. Mais le chemin vers le succès ne fut pas sans obstacle pour cet Afro-américain d’ascendance amérindienne. Le scénariste Jean-Michel Dupont et le dessinateur Mezzo, déjà réunis à l’occasion de l’album Love in Vain, qui portait sur un autre guitariste mythique décédé à 27 ans (Robert Johnson), narrent ainsi l’enfance à la Dickens de James Marshall Hendrix, ainsi que ses premiers pas, peu glorieux, sur scène et dans l’industrie musicale.

Fils d’une mère alcoolique et d’un père mobilisé qu’il ne verra pas avant ses trois ans, le jeune Hendrix grandit dans un foyer hautement dysfonctionnel, marqué du sceau de l’adultère et de la rancœur. Dans un noir et blanc fort à propos et à l’aide de traits fins et très personnels, ce premier volume de Kiss the Sky revient amplement sur les déboires vécus par le futur guitariste durant son enfance et son adolescence. Baladé de foyer en foyer, entretenant une relation complexe avec une mère démissionnaire et un père pouvant se montrer aussi attentionné qu’absent, il est tour à tour rejeté par l’école et l’armée, qui le poussent un peu plus à embrasser la carrière musicale dont il rêve. Cette épopée vers la célébrité ne se fera pas sans heurts, entre vols d’instruments, contrats précaires ou non honorés, crises d’orgueil et déconvenues…

Jean-Michel Dupont et Mezzo ne manquent pas de dévoiler l’abnégation sans faille du jeune Jimi Hendrix, capable de rebondir sans cesse dans l’épreuve. Ils le mettent en vignettes dans des solos enfiévrés pour aussitôt raconter ses évictions successives à la suite d’un car raté (souvent à cause des femmes) ou des tensions induites par la jalousie (parce qu’il volait régulièrement la vedette à d’autres artistes). Son itinéraire musical, qui passe par BB King, Curtis Mayfield, Sam Cooke ou Little Richard, est cependant formateur, en plus de constituer un formidable baromètre des forces alors en présence. Mais Jimi va s’abîmer plus souvent qu’à son tour, ce qui le rendra amer face au succès précoce d’un certain Eric Clapton… Aussi, en reprenant chaque étape de son étonnant parcours, Kiss the Sky va échafauder le portrait d’un artiste longtemps maudit, et irrémédiablement tourmenté.

Somptueux sur le plan graphique, l’entreprise pèche cependant quelque peu en négligeant certains personnages secondaires et en focalisant son propos davantage sur les événements de la vie de Jimi Hendrix que sur ses reliefs psychologiques. Ainsi, après une ouverture menée d’une main de maître, les auteurs passent surtout en revue les collaborations qui s’initient puis périclitent, les moments de flottement qui en découlent, mais en délaissant parfois trop ostensiblement la chair humaine escomptée quand on se penche sur une telle personnalité. Bien entendu, tout cela n’est qu’une question de gradation et n’enlève rien aux qualités, bien réelles, d’un album qui devrait ravir tout amateur de musique.

Kiss the Sky, Jean-Michel Dupont et Mezzo
Glénat, octobre 2022, 88 pages

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