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« Harley Quinn & Birds of Prey » : tout en fêlures

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Urban Comics publient, dans la collection « DC Black Label », Harley Quinn & Birds of Prey, de Jimmy Palmiotti et Amanda Conner. L’ex-compagne du Joker y rejoint Gotham City dans l’espoir de se venger de l’usurier Benny…

Fêlée, excentrique, exhibitionniste, effrontée, tels sont les qualificatifs généralement associés à Harley Quinn, ancienne psychiatre tombée sous le charme du Joker, et figure récurrente de l’univers DC Comics. Il n’est guère étonnant que chacun de ces attributs se voit obstinément corroboré dans Harley Quinn & Birds of Prey. Au début du récit, on découvre la manière dont l’ex-madame J a gâché les vacances qu’elle s’était octroyées avec sa nouvelle compagne Poison Ivy. En plein chagrin d’amour, la pétillante Harley, caractérisée comme impudique et dérangée – elle communique avec un castor empaillé –, oublie d’honorer ses dettes, ce qui occasionne le passage à tabac de son acolyte Tony, mais aussi l’incendie de leur hôtel de Coney Island. C’est le point de départ d’une terrible vengeance qui va la mener dans le coffre secret du Joker et aux prises avec les sbires de la Defeo Mortgage Company (prétexte à une pleine page iconique). Dans ses nouvelles péripéties à Gotham (après une pause grandement appréciée par les forces de l’ordre), la super-vilaine sera secondée, de manière inattendue, par les Birds of Prey.

Harley Quinn & Birds of Prey, c’est d’abord une charte graphique en adéquation avec son héroïne : couleurs criardes, organisation inventive des planches, dessins avenants, violence débridée… Très dialogué, l’album abonde d’allusions sexuelles : les matraques sont renommées « matriques », tandis que le pauvre Alfred, célèbre majordome de Batman, doit supporter le manque de pudeur d’Harley, cette dernière s’étant réfugiée au manoir Wayne. Parfois empesé, notamment dans son introduction, le récit de Jimmy Palmiotti et Amanda Conner ne manque cependant pas d’humour. On parcourt d’abord un rêve d’Harley avec un Superman asservi, on assiste ensuite à des discours méta- sur le Comics Code et la censure ou à des fantasmes contés en bulles, on observe enfin le paradis et l’enfer se rejeter l’obligation d’accueillir la super-vilaine en leur sein. Cette dernière scène, qui se trouve dans l’appendice de l’album, est particulièrement significative : Harley Quinn est à la fois amorale et paradoxalement attachante. On ne peut ni la louer ni la rejeter en bloc. De nature quasi oxymorique, on la découvre voleuse à la Robin des Bois, dévergondée mais profondément attachée à Poison Ivy, en apparence délurée mais extrêmement sensible aux intérêts de ses amis. Capable du pire, elle semble pourtant mue par des intentions honorables.

Harley Quinn & Birds of Prey a aussi la particularité d’être une réunion de famille… sans Batman. Alfred, Batgirl, le Joker, Sinn, Huntress, Black Canary, Poison Ivy, Red Tool, Sphinx, Gueule d’argile, Freeze, le Pingouin ou encore l’Épouvantail ont tous voix au chapitre. Le retour d’Harley Quinn à Gotham City va placer le Joker dans une situation embarrassante : en vidant ses coffres, son ex-psy et compagne met la main sur le capital que tous les criminels d’Arkham lui ont confié. Partant, ils vont s’unir afin de la débusquer et la mettre hors d’état de nuire. En cela, la seconde partie de l’album se veut moins prolixe et plus spectaculaire. Mais le plaisir de retrouver une constellation de personnages emblématiques de l’univers DC est toutefois battu en brèche par la faible teneur de leur participation. On frise parfois le fan service, sans vraiment surprendre le lecteur ou apporter un point de vue original sur les actions et/ou protagonistes. Il y a bien une évocation sommaire du système judiciaire, une critique rapide du matérialisme, mais rien de nature à donner une coloration sociale ou politique à l’album. Reste le personnage d’Harley et tout ce qui l’entoure, rafraîchissant, frénétique, sans complexe.

Harley Quinn & Birds of Prey, Jimmy Palmiotti et Amanda Conner
Urban Comics, juillet 2021, 144 pages

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