Gunmen of the West, publié aux éditions Bamboo, est une oeuvre collective remarquable, qui s’inscrit dans le genre de la bande dessinée western. Elle rassemble 14 illustrateurs autour de Tiburce Oger, pour retracer le parcours tumultueux des gunfighters durant la conquête de l’Ouest américain. L’album se distingue par son authenticité historique, s’appuyant sur des archives pour offrir une lecture détaillée de cette période.
Contrairement à ses prédécesseurs, qui mélangeaient faits réels et fiction, Gunmen of the West s’ancre fermement dans la réalité historique. Tiburce Oger y reconstitue plus de 150 ans d’histoire, adoptant cette fois, après l’homme blanc et l’Amérindien, le point de vue du hors-la-loi.
La diversité des illustrateurs, incluant des noms comme Stefano Carloni, Olivier Vatine et Nicolas Dumontheuil, apporte une pluralité stylistique appréciable, tandis que les différentes histoires abordent des thèmes variés, allant du racisme à la violence, en passant par la justice et la survie. L’histoire de Tiburcio Vasquez par Félix Meynet, par exemple, explore le thème du racisme et de l’exploitation coloniale, tandis que l’histoire de Jules Beni et Jack Slade par Ronan Toulhoat offre un contraste visuel frappant (le rouge du sang sur le bleu délavé prédominant) tout en sondant un as de la gâchette.
Gunmen of the West va au-delà de la simple narration historique ; il interroge les implications morales et éthiques de cette époque. À travers des personnages comme Godfor, décrit par Laurent Hirn, ou l’Apache Kid de Christian Rossi, l’album explore des thèmes tels que la marginalisation, la revanche et la justice. Ce faisant, il invite le lecteur à réfléchir sur les aspects souvent sombres de l’histoire américaine. Le fil rouge, un braquage dans une armurerie, n’est qu’un prétexte pour multiplier les récits sur ces légendes de l’Ouest, des frères Harpe à John Sontag. Ce dernier est l’occasion de se pencher sur les compagnies de chemins de fer, quand d’autres illustrateurs, comme Éric Hérenguel, s’intéresseront à d’autres tropes habituels de l’époque, ici en l’occurence deux maquerelles se disputant la même prostituée.
« Personne au monde n’est plus cruel que ces deux monstres. Ils tuent, violent, décapitent et éventrent hommes, femmes et enfants ! » Big et Little, les deux frères Harpe, ne se font pas que des amis en agissant de la sorte, et ils en paieront le prix fort. De son côté, en tant que seul Hispanique à occuper ce poste, le gouverneur de Californie Romualdo Pacheco n’a pas pu accorder sa grâce à un compatriote condamné à mort, pourtant innocent. Apache Kid apparaîtrait presque comme un chevalier blanc : parce qu’il lui a offert une cigarette, un cocher est épargné après son intervention lors du massacre de Kelvin Grade. Mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.
Très bien ficelé, Gunmen of the West est une oeuvre collective puissante qui allie authenticité historique, diversité narrative et profondeur thématique. Avec ses courts récits portant sur la conquête de l’Ouest et ses figures ambivalentes, peuplés de gunfighters obstinés et… d’éléphants voués à la potence, il va au-delà des clichés habituels et dévoile de quoi se constituait l’Amérique du XIXe siècle.
Gunmen of the West, collectif
Bamboo, novembre 2023, 112 pages