Quand Mo/CDM tire sur la corde générationnelle, c’est pour lancer une farce furieusement abracadabrantesque. Les deux volumes de Gen War rivalisent d’humour caustique, transformant une simple querelle de trottinettes en une guerre intergénérationnelle rendue au dernier degré de l’absurde. Entre sabotage, dynamite et bérets, le lecteur est pris dans une spirale de folie et de conflictualité.
Depuis des siècles, l’opposition entre jeunes et vieux bat son plein, chaque génération s’accrochant avec une certaine ferveur à ses valeurs, et se heurtant en retour à celles de l’autre. Les jeunes, souvent porteurs de nouveautés technologiques et d’idées avant-gardistes, défient les normes établies par les anciens, et leur autorité jugée vieillissante, redéfinissant peu à peu les contours du monde. Les plus âgés, de leur côté, regardent d’un œil sceptique ces idéaux en émergence, réclamant le respect de leurs traditions et de leur expérience, non sans un certain conservatisme. De cette dichotomie intergénérationnelle, Mo/CDM grossit les traits au point de charpenter un univers où les insultes volent, les coups pleuvent et le choc des générations se traduit par une guerre civile sans merci.
L’auteur s’est forgé une réputation dans le délire bédéiste en introduisant, dès Geek War en 2013, une rivalité intergénérationnelle sans foi ni rivage. Avec les deux volumes de Gen War, il revient sur le terrain miné des conflits générationnels, utilisant pour prétexte… la disparition des trottinettes électriques en libre-service. Dans un chaos post-apocalyptique, les jeunes s’opposent aux vieux et leur querelle tourne systématiquement à la démonstration burlesque.
Le tome 1 contient un florilège de petites histoires où les anciens, quasi édentés mais farouchement résolus, se heurtent aux jeunes boutonneux et insouciants. Mo/CDM reconstruit ici autour des scénarios de Geek War. Il oppose la « section Michel Drucker » (sic) et ses manigances ingénieuses pour semer la zizanie parmi la jeunesse à une génération dopée aux nouvelles technologies et bercée par le rap. Caricatures outrancières, plans foireux, name-dropping satirique, sacrifices plus ou moins volontaires, tout est mis en œuvre pour révéler les absurdités de ces querelles entre jeunes et vieux.
Le tome 2 poursuit dans la même extravagance. Deux ans après le cataclysme, les factions isolées des aînés s’engagent dans des opérations commandos destinées à couper les câbles Internet des jeunes. C’est là qu’interviennent Gégé et Dédé, soldats d’un âge révolu qui plongent le lecteur dans une série d’événements absurdes, avec des bras perdus dans le processus, des sabotages chaotiques et des attaques parfois malencontreuses. Mo/CDM exploite à fond le ridicule des conflits et les déboires comiques des personnages pour faire rire tout en montrant, en filigrane, les limites des mentalités rigides de chaque génération.
Finalement, Mo/CDM réussit le pari un peu fou de fusionner la réalité, l’absurde, le sarcasme, les références pop (Star Wars par exemple)… Gen War se moque de tout le monde, sans la moindre réserve, et à partir de situations si décalées qu’elles en deviennent délicieusement pathétiques.
Gen War (T.01 et 02), Mo/CDM
Fluide Glacial, mai 2024, 56 pages