Dans ce troisième et ultime tome de Friday (Glénat), Ed Brubaker et Marcos Martin concluent une série à la croisée du polar et du fantastique. Mêlant mystère, émotion et éléments surnaturels, le récit explore la relation complexe entre Friday et son ami Lancelot, avec en toile de fond une enquête pour le moins troublante. Ce final, riche en révélations, n’est pas sans rappeler l’univers de Stephen King.
Kings Hill. La jeune Friday découvre avec effroi que son meilleur ami, Lancelot, a trouvé la mort dans des circonstances étranges. Depuis des années, ce jeune prodige résolvait des affaires insolites qui semblaient défier la raison. Pourtant, les autorités locales concluent rapidement à un accident, ce que Friday refuse d’accepter. Profondément affectée par la perte de son ami, elle se lance dans une enquête personnelle, presque obsessionnelle, alimentée par un désir de justice et de vérité.
Ces investigations obstinées impliquent des légendes locales et reposent sur des phénomènes surnaturels. Lancelot semble avoir laissé des indices disséminés sur le chemin de Friday, comme s’il la conviait à un dernier jeu de piste qui lui permettrait de découvrir la vérité. Tout porte à croire que quelqu’un voulait le réduire au silence…
Scénariste au talent éprouvé, Ed Brubaker parvient une nouvelle fois à donner substance à ses personnages et à maintenir une tension constante tout en explorant les relations complexes entre Friday et Lancelot. La douleur de la protagoniste est palpable à chaque page, et le lecteur est entraîné dans son chagrin, ses doutes et sa détermination à comprendre le cheminement des événements.
C’est par un retour dans le passé que s’opère la narration, via une montre/machine à voyager dans le temps qui permet d’explorer la série sous un nouvel angle – comme si tout ce qui avait été hors d’atteinte se dévoilait soudainement. Friday reprend l’enquête depuis le début et tente de déchiffrer les événements à la lumière des indices laissés par Lancelot. Cette démarche peut rappeler des œuvres comme Memento de Christopher Nolan, où la répétition permet de réévaluer les éléments sous un nouveau prisme et où le déficit d’informations partagé entre le personnage et le public induit une identification immédiate.
Côté visuel, Friday brille toujours par l’élégance et la précision du trait de Marcos Martin gère particulièrement bien les lumières et les décors enneigés. Son style, à la fois minimaliste et expressif, parvient à capturer l’essence du récit tout en sublimant les émotions des personnages. On ressent également par moments une influence du cinéma de genre, avec des plans qui évoquent les œuvres de David Lynch ou de Tim Burton, où l’étrange et le merveilleux coexistent avec le quotidien.
Friday se termine sur une note à la fois mélancolique et cathartique, où chaque pièce du puzzle trouve enfin sa place. Ce dernier tome, bien que parfois un peu précipité dans ses révélations, offre une conclusion satisfaisante à une série qui a su mêler habilement enquête policière et fantastique. Et chemin faisant, le duo Brubaker-Martin démontre, une fois de plus, sa maîtrise du récit visuel.
Friday (Tome 3), Ed Brubaker et Marcos Martin
Glénat, septembre 2024, 136 pages