Les éditions Glénat publient le premier tome d’Elias Ferguson, intitulé « 1937, l’héritier ». Le scénariste français Simon Second et la dessinatrice italienne Lender Shell racontent l’histoire d’un orphelin sur qui repose le lourd héritage d’un père scientifique dont les découvertes pourraient infléchir le cours de l’Histoire.
Au départ, il y a un deuil, inconsolable. Elias Ferguson apprend la mort « par suicide » de son père. Il maudit alors ce piètre scientifique aux idées farfelues qui l’a lâchement abandonné. Déjà, Simon Second et Lender Shell induisent une première fracture dans cette histoire filiale tourmentée : d’une part, en raison des dissonances entre les perceptions du fils, erronées, et la réalité du père, héroïque ; d’autre part, en vertu de l’héritage exigeant qui échoie soudainement à Elias, contraint de marcher dans les pas d’une éminence scientifique qui coordonnait l’activité d’ingénieurs, chimistes ou physiciens œuvrant de concert, dans le plus grand secret, à la préservation de l’humanité.
« 1937, l’héritier » est placée sous le sceau de cette histoire père-fils à fort relief émotionnel. Mais Simon Second et Lender Shell la fondent dans un contexte explosif, à l’aune de la Seconde guerre mondiale, à un moment où les Américains ne sont pas encore engagés mais où chacun pressent le désastre à venir. Avec un vrai sens du rythme et du dialogue, ce premier tome d’Elias Ferguson se confond bientôt avec une épopée initiatrice : celui qui se la coulait douce sur les bancs de l’Université, comme en témoigne une séquence d’introduction éloquente, doit désormais reprendre le flambeau d’une entreprise scientifique sur laquelle ont des vues, forcément antagoniques, Américains et Allemands.
Il n’en faut pas plus pour qu’Elias Ferguson se retrouve au beau milieu de jeux d’influence diplomatiques et militaires, qui font peser sur sa personne, mais aussi sur ses proches, des menaces potentiellement mortelles. Ce train sous-marin avant-gardiste dont on lui rebat les oreilles vaut-il vraiment toutes ces attentions ? Et quid de cette créature maritime qui apparaît dans toute son immensité à la fin de ce premier tome ? Ces deux questions sont appelées à irriguer la suite des événements, tout en assurant la transition entre le père, déchu, et son fils, en voie d’avènement. L’une des particularités de cet album tient à ses ruptures de ton, puisque la gravité des enjeux (deuil, guerre, assassinats…) est contrebalancée par des répliques souvent ironiques et fusantes.
Finalement, sans faire preuve d’une inventivité folle, Simon Second et Lender Shell parviennent à un équilibre plutôt encourageant. Ils brassent des thématiques variées, reprennent les codes de genre de l’espionnage et de la guerre, y ajoutent une dimension filiale appréciable et nappent le tout d’un récit d’initiation reposant sur un personnage peu en phase avec les attentes nouvelles dont il va bientôt faire l’objet. On attend la suite avec curiosité.
Elias Ferguson : 1937, l’héritier, Simon Second et Lender Shell
Vents d’Ouest/Glénat, juin 2022, 56 pages