Les éditions HiComics nous emmènent dans un univers où des monstres géants, les Tetzas, sont soudainement apparus et ont profondément transformé la société. Dans Dawnrunner, Ram V et Evan Cagle imaginent un futur où la survie se conjugue avec le spectacle, où des robots géants luttent contre des entités extraterrestres, sur le même mode que Pacific Rim. Par-delà les combats, voulus épiques, la série explore aussi des questions contemporaines comme le deuil, la communication et les dérives de la médiatisation.
Dawnrunner prend place un siècle après l’apparition d’un portail en Amérique Centrale, libérant les Tetzas, des monstres titanesques, et bouleversant conséquemment le monde tel qu’on l’a toujours connu. Anita Marr, héroïne principale du récit et pilote de l’Iron King, est choisie pour tester un prototype révolutionnaire de robot : le Dawnrunner. Ce point de départ rappelle forcément Pacific Rim, mais Ram V y inclut une réflexion habile sur l’exploitation commerciale et l’évolution des combats en shows télévisés. Les populations se sont habituées aux apparitions de Tetzas, les pilotes concourent entre eux pour truster les premières places d’un classement honorifique, et la survie de la planète a désormais des airs de divertissements sportifs.
Evan Cagle déploie ici tout son talent en magnifiant les décors et les personnages. Clerc dans ses choix d’illustration, usant parfois de pointillisme, il conçoit des scènes de combat spectaculaires, qui se distinguent par leur dynamisme, même si d’aucuns ont noté, à raison, une lisibilité parfois réduite lors des affrontements. Tout cela sert parfaitement le propos, avec Anita est au centre de toutes les attentions. Cette héroïne possède des capacités de pilote hors pair, mais est également caractérisée par ses questionnements intérieurs, notamment dans sa relation dialogique avec sa nouvelle machine. La fusion entre Anita et le Dawnrunner interroge en effet les limites entre humain et machine, et soulève des questions sur la perte d’identité.
Le récit explore aussi le lien entre Anita et sa fille, malade à cause des nouvelles menaces environnementales issues des Tetzas. Un rapport de protection et de vulnérabilité s’instaure, et il fait écho à une figure paternelle, le capitaine Ichiro Takeda, cherchant lui aussi à protéger ses enfants alors que sa conscience a été déplacée au cœur du Dawnrunner. Cette résonance émotionnelle ajoute une dimension humaine aux deux personnages, des parents impuissants vis-à-vis de leurs enfants et pourtant protecteurs à l’égard du monde.
Ram V introduit également le thème de la communication, que ce soit par des langages inconnus ou des machines imparfaites. Une approche qui n’est pas sans rappeler Premier Contact de Denis Villeneuve. Malgré des moyens technologiques avancés, les humains peinent à déchiffrer la langue des Tetzas ; un mystère insondable entoure ces créatures, qui ne sont pas seulement des ennemis mais aussi des entités incomprises. L’autre défi « linguistique » tient à la difficulté des pilotes à se synchroniser avec leurs mechas.
Avec Dawnrunner, Ram V et Evan Cagle signent une œuvre dense, visuellement sublime et thématiquement variée. Ils nous donnent à voir un univers qui marie action et réflexion, où l’esthétique cyberpunk rencontre les interrogations humaines les plus intemporelles. De quoi se présenter, indéniablement, comme l’un des incontournables de l’année pour les amateurs de science-fiction.
Dawnrunner, Ram V et Evan Cagle
HiComics, octobre 2024, 168 pages