Ralf König publie aux éditions Glénat Conrad et Paul : Le temps d’un virus. Ce nouvel opus est l’occasion de revisiter la période du confinement lié à la pandémie de Covid-19, avec l’humour irrévérencieux, la dimension gay et les traits fusants qui ont fait la renommée de l’auteur.
En s’emparant de la crise sanitaire, Ralf König ne pouvait décemment pas proposer un récit conventionnel. On le sait, l’une de ses principales qualités réside dans sa capacité à retranscrire les événements contemporains dans une forme de satire mordante, qui fait peu de cas de la bienséance – ou à tout le moins de la pudeur. Avec Conrad et Paul : Le temps d’un virus, il interroge à sa manière une période qui a bouleversé le monde entier, pour en faire le théâtre des mésaventures de ses deux célèbres personnages. Alors que l’Humanité tout entière se retrouve cloîtrée chez elle, Conrad et Paul doivent apprendre à composer avec une situation inédite, frustrante, qui les empêche de s’épanouir, en ce y compris sexuellement.
L’auteur s’amuse : ses compatriotes s’emploient à stocker du papier toilette, les fantasmes se vivent derrière un écran et tous les repères volent en éclats dès lors que les grandes compétitions sportives sont interrompues. Ce tableau absurde du début de la pandémie sert de toile de fond à des scènes cocasses et des dialogues percutants, volontiers irrévérencieux, qui rappellent combien cette période, aussi déconcertante soit-elle, a également été marquée par des comportements irrationnels et des situations paradoxales. C’était un temps difficile à appréhender, encore moins à apprivoiser, où tout a semblé en suspens, dans une incertitude parfois étouffante.
Mais König y répond avec légèreté. Il explore les dynamiques intimes de ses personnages. Conrad, plus placide, et Paul, hyperactif sexuel, sont contraints de partager un espace clos alors que leurs désirs et besoins divergent. Ce confinement devient un révélateur des tensions sous-jacentes de leur couple. Paul projette toutes ses envies sur le gérant du supermarché local, appelé à devenir un sex-symbol local, tandis que Conrad observe ses élans tantôt avec tolérance tantôt avec agacement. La fidélité, le vieillissement et la gestion des désirs dans une relation de longue durée s’imposent au lecteur avec humour et panache. Le besoin d’évasion se fait également ressentir – il constitue peut-être le véritable enjeu du récit.
La pandémie a significativement affecté les individus et les communautés. L’auteur réussit à nous faire rire avec ce qui fut, pour nombre de personnes, une épreuve difficile. Avec des dessins simples et expressifs, un humour souvent trash et un décalage érigé en état permanent, il exploite en clerc la gravité des événements confrontée à l’absurdité des situations relatées, ce qui en décuple les effets comiques.
Conrad et Paul : Le temps d’un virus aborde la solitude, le vieillissement et même les fake news, mais en les intégrant dans son univers déjanté, dépréciatif, proche de la caricature. En faisant de Conrad et Paul les héros d’un confinement vécu à hauteur d’hommes (et pas n’importe lesquels), Ralf König nous invite à une relecture de cette période sous un angle singulier, caustique, autocritique, et souvent jubilatoire.
Conrad et Paul : Le temps d’un virus, Ralf König
Glénat, août 2024, 192 pages