Chef Joseph paraît aux éditions Glénat. François Corteggiani et Gabriel Andrade charpentent un western centré sur une figure indienne mythique, pacifiste, courageuse et obstinée.
Baptisé et élevé par des missionnaires presbytériens, Chef Joseph est un leader indien calme, réfléchi, plus soucieux de la pérennité des siens que de ses possessions territoriales et matérielles. Tandis que les colons se font de plus en plus nombreux et pressants, il annonce à ses proches les raisons pour lesquelles une guerre ouverte est inenvisageable : « Nous perdrons notre liberté et notre peuple ne sera plus qu’un ramassis de mendiants à leur merci. »
Malheureusement, sa sagesse n’est pas la qualité la mieux partagée en ces temps troubles. Des guerriers de White Bird massacrent une famille de fermiers et les colons, dont le gouverneur Grover ne peut tempérer la convoitise, prennent le parti de se venger. Il n’est cependant pas simple de mettre la main sur Chef Joseph et son clan. « Ces sauvages sont dans leur milieu naturel, ils sont partout et nulle part à la fois. » Malgré les efforts déployés par les autorités coloniales, le leader indien, qui refuse de vivre enfermé dans une réserve, parvient à fuir avec les siens. « Le piège s’est refermé sur un courant d’air. »
La vallée de la Wallowa, territoire ancestral des Nez-Percés, renferme des terres aurifères et propices à l’élevage. Les chasseurs d’or et les éleveurs américains désirent s’y installer et sont prêts à tout pour mener à bien leurs projets. Chef Joseph n’a pas le choix : il doit rejoindre la frontière canadienne tout en veillant sur 800 personnes, dont des femmes, des enfants et des vieillards. Des milliers de chevaux viennent également grossir ses rangs. Dans un récit haletant, François Corteggiani et Gabriel Andrade narrent leur bravoure et leur obstination, mais aussi les nombreuses mésaventures qu’ils vont affronter.
Il y a bien entendu les tuniques bleues. Mais ce n’est pas tout. « Des corniches escarpées et des pluies diluviennes », « sans compter la faim… et la mort »,viennent marquer leur long et éprouvant voyage. Pourchassés par plusieurs colonels, seulement mus par la volonté de survivre et de s’établir en paix ailleurs, dans le respect de leurs traditions, les Nez-Percés démontrent une résilience rare.
Dans son dossier pédagogique, Farid Ameur évoque le Chef Joseph, arguant que « sa sagesse, son courage et sa noblesse d’âme l’ont fait entrer dans l’Histoire ». Il fait état d’« un peuple de chasseurs et de cueilleurs » influencé par les Indiens des Plaines, devenus « cavaliers émérites », et entretenant « des liens très forts avec le monde animal ». Il problématise aussi les réserves amérindiennes, sises sur des « terres arides et impropres à la culture », et censées « hâter la dislocation du ressort communautaire afin de briser à jamais leur résistance ». La détresse, l’acculturation et les tensions tribales constituent leur pain quotidien.
Ce rappel permet d’envisager avec plus d’acuité les décisions de Chef Joseph. Si la fuite a occasionné son lot de souffrances, cela constituait probablement la seule option viable, entre une guerre funeste et une existence dégradante et précaire dans les réserves. François Corteggiani et Gabriel Andrade parviennent en tout cas à restituer, dans un album passionnant, toute l’urgence d’un périple dicté par un colonialisme prédateur.
Chef Joseph, François Corteggiani et Gabriel Andrade
Glénat, octobre 2023, 56 pages