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« Capitaine Kaimann » : à travers les âges

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Capitaine Kaimann (Humanoïdes associés) prend place dans l’univers de L’Incal, pour raconter le destin d’un prince stigmatisé et déchu, cherchant l’amour à travers les âges.

Le Capitaine Kaimann règne sur un vaisseau en souffrance, dont l’équipage se constitue d’anciens lieutenants disparus et seulement présents sous leur forme holographique. Il lutte pied à pied contre la transformation génétique qui lui fait perdre en humanité ce qu’il gagne en monstruosité. On le découvre, au début du récit, décimant un vaisseau aristo afin de mettre la main sur un antidote lui permettant de repousser – un peu – le mal qui le gangrène intérieurement.

C’est cette hybridation, qui le change peu à peu en reptile, qui lui a coûté le trône qui lui était initialement promis. Peu tolérante, sa famille n’a pas hésité à l’ostraciser et le bouter hors des cercles du pouvoir, le poussant à endosser le rôle de pirate de l’espace. Dan Watters et Jon Davis-Hunt reviennent longuement sur cette blessure originelle, familiale et d’orgueil, qui le voit, tiraillé entre deux natures, sans cesse rejeter l’une au profit de l’autre, jugée plus respectable.

Son histoire, c’est Aurora qui la rapporte à des enfants. Nonobstant les règles de l’abbesse, elle sort un livre en décomposition de la bibliothèque et découvre les mésaventures de ce capitaine errant dans l’espace en compagnie de ce qu’il reste d’un équipage décimé et numérisé. Au moment où elle prend la décision de se plonger dans ce récit en enfreignant des règles qui vouent la mémoire à la disparition, Aurora sait qu’il ne lui reste plus longtemps à vivre, puisque des ennemis s’apprêtent à attaquer son monastère. Ce qu’elle ignore en revanche, c’est ce qu’elle va déclencher…

Dan Watters et Jon Davis-Hunt charpentent alors une romance à travers le temps et l’espace : le Capitaine Kaimann utilise un instrument de musique doté de pouvoirs magiques pour entrer en contact avec celle qui vient de découvrir son histoire. Alors qu’il était en plein deuil, déchiré par la perte de sa bien-aimée, le voilà nanti d’une nouvelle mission, qu’il prend à bras-le-corps : faire voir à Aurora la beauté des étoiles « ancestrales ». On découvre alors un homme à la raison chancelante, obsédé par une quête qui lui redonne, soudainement, une raison de vivre – et de lutter contre cette seconde nature qui reprend ses droits.

Bien ficelé, L’Incal : Capitaine Kaimann est généreux dans ses motifs – amour, pouvoir, deuil, mémoire, racisme – et suffisamment sophistiqué dans son approche narrative déstructurée pour tenir en haleine le lecteur. Parfois brut dans ses représentations, par ailleurs soignées, l’album donne à voir deux protagonistes finement caractérisés, faisant face à une hostilité grandissante et prêts à tout pour se retrouver et briser leur solitude. De bonne facture.

L’Incal : Capitaine Kaimann, Dan Watters et Jon Davis-Hunt
Humanoïdes associés, novembre 2023, 112 pages

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3.5
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