Christophe Bec et Stefano Raffaele s’associent à nouveau pour le second tome d’Aurora. Choral et haletant, le récit fait germer le soulèvement des enfants de l’Aurore, dans une sidération quasi générale.
Sous la plume et les coups de crayon avisés de Christophe Bec et Stefano Raffaele se dresse l’univers inquiétant de la série Aurora. Le premier tome, judicieusement baptisé « Phénomènes », nous plongeait dans une énigme à travers laquelle 222 000 enfants, nés sous le signe d’une aurore boréale rouge, grandissaient en arborant des comportements à tout le moins singuliers. On pouvait percevoir en filigrane l’influence du cinéaste John Carpenter, et notamment du Village des damnés. Ces enfants se drapaient en effet d’une aura d’étrangeté, exhibant une intelligence hors norme, une asocialité préoccupante et une froideur paraissant déplacer les frontières de l’humain.
L’univers esquissé dans « Phénomènes » s’apparentait à une toile peinte de nuances sombres, au sein de laquelle se déployaient des scènes sanglantes et des événements troublants éclatant aux quatre coins du monde. Dans leur entreprise, Bec et Raffaele jouent habilement sur les textures narratives, révélant le passé de ces enfants extraordinaires à travers des flashbacks qui exposent leurs naissances. Le premier tome d’Aurora tenait ainsi de la fresque crépusculaire, caractérisées par de puissantes images et les actions de ces enfants de l’Aurore, dont la brutalité semble à la fois calculée et impitoyable.
Le lecteur était cependant laissé sur un palier d’anticipation, à l’orée d’un univers où les contours s’estompaient pour laisser place à l’inconnu. L’attente était de mise : celle d’un éclaircissement, d’une plongée plus profonde dans le monde esquissé qui, avec ses enjeux et personnages, semblait prêt à exploser. Le second tome, intitulé « Signal », se présente comme une mosaïque polyphonique de mystère et d’angoisse. La narration se fragmente et se reconstitue au gré de sauts temporels, alternant les perspectives, dans un ballet rythmique qui ajoute à la complexité de l’intrigue. L’ombre du film American Nightmare plane discrètement, suggérant l’ébauche d’une purge d’ampleur, orchestrée par ces enfants d’apparence glaciale mais dotés de talents insoupçonnés.
Bec et Raffaele déploient une riche palette de thèmes secondaires dans ce second tome, abordant des questions aussi diverses que la violence domestique, les pandémies ou le statut délicat de ces enfants de l’Aurore, victimes d’ostracisme, voire de maltraitance dans certaines régions du monde. Quand ils ne sont pas enfermés dans des centres d’expérimentation. À travers une suite de séquences sanglantes, le rythme du récit s’accélère encore, la tension monte graduellement, tandis que le lecteur est maintenu dans l’attente de révélations importantes. Les fils du récit sont tissés avec une habileté, même s’ils leur manquent, à ce stade, une motivation susceptible de rehausser encore l’intérêt du lecteur.
Aurora : Signal, Christophe Bec et Stefano Raffaele
Soleil, juin 2023, 64 pages