Les éditions Glénat publient le second tome d’Au nom du pain, intitulé « Marie ». Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune, respectivement scénariste et dessinateur, y racontent le quotidien d’un petit village français pendant l’Occupation allemande.
Saint-Jean n’est plus tout à fait la même depuis plusieurs mois. Cette petite localité française, passée sous le patronage des Allemands, ne peut plus se prévaloir que d’une liberté résiduelle, depuis peu remise en cause par la disparition d’un lieutenant nazi, Feldberg. Les soldats teutons cherchent les responsables de sa mort et sont prêts à procéder à des exécutions publiques si le maire, dans une situation des plus délicates, ne leur donne pas le nom des coupables. Il a beau plaider l’ignorance, rien n’y fait. La vengeances des Allemands doit s’exercer, fût-ce de manière arbitraire.
C’est dans ce contexte explosif que Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune nous immergent au cœur des familles – et boulangeries – Martineau et Durand. Bien que concurrentes et soumises à des enjeux différents (l’une est impliquée dans la mort du lieutenant, l’autre se voit proposer des droits de visite conjugaux en échange d’informations), les deux mères de famille se montrent solidaires l’une envers l’autre. Il faut dire que Marie et Marcelin, leurs enfants, se fréquentent depuis peu ; ils seront même pris la main dans le sac alors qu’ils violaient un couvre-feu pour se livrer au marché noir.
Ce qui était manifeste dans le premier tome se confirme avec ce second album : Au nom du pain excelle dans la portraitisation d’une France rurale occupée, aux dynamiques changeantes et incertaines, soumise au bon vouloir des Allemands, capable de lâchetés comme d’actes de bravoure. Si les messages clandestins de la résistance – qui transitaient via le pain – se font plus rares, et bien que les ouvriers locaux soient réquisitionnés par les nazis (on pense à François Durmond), il n’en demeure pas moins que l’insoumission n’a pas rendu son dernier souffle et que le climat général, côté français, est à la désapprobation.
Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune nous ménagent quelques surprises dans « Marie », qui se conclut par un attentat visant la kommandantur. En cours de route, les sollicitations pressantes du lieutenant Feldberg auront été remplacées par les actes de cruauté de son substitut, Haurmann, et le sort réservé au maire de Saint-Jean apporte, a minima, le témoignage d’institutions françaises traditionnelles battues en brèche par le nouveau régime. Très convaincant, souvent astucieux dans ses descriptions latentes, ce nouvel épisode consolide une série historique d’excellente facture.
Au nom du pain : Marie, Jean-Charles Gaudin et Steven Lejeune
Glénat, septembre 2023, 56 pages