Avec Alessia, Zidrou et David Merveille nous plongent dans une fresque mélancolique où l’Italie de l’après-guerre se fait le cadre d’une réflexion douce-amère sur le temps, l’art et l’inspiration perdue. À travers les errances du peintre Cactus, individu solitaire et souvent mystérieux, le récit interroge la impermanence et la fugacité de l’existence humaine, tout en offrant une peinture visuelle saisissante d’un été transalpin.
Le personnage principal, RG Cactus, est un peintre à la renommée établie, bientôt exposé à Paris. Il s’impose surtout au lecteur comme un être singulier : il n’est rien de moins qu’un cactus humain. Il semble, immuable, traverser un monde qui, lui, change inexorablement. En rejoignant la côte amalfitaine, il retrouve des lieux empreints de souvenirs et part à la recherche de ses anciennes muses. Mais ces dernières, usées par les années, semblent avoir perdu de leur éclat d’antan, tout comme Cactus a perdu son élan créatif. Le récit tient en ce sens quelque chose du Billy Wilder de Fedora ou de Sunset Boulevard.
Le voyage proposé par les auteurs se veut autant géographique qu’introspectif. La mélancolie et la nostalgie sont des sentiments qui se renforcent à mesure que le peintre se confronte à la beauté fanée de ses muses et des paysages. On ne peut s’empêcher de penser à une autre filmographie, celle de Paolo Sorrentino, notamment à des œuvres comme Youth ou La Grande Bellezza, où la contemplation du temps qui passe est érigée en cœur du récit.
David Merveille habille ce dernier d’illustrations aux lignes claires et épurées, avec une légère touche de désuétude. L’Italie des années 50, ses plages, ses ruelles, son atmosphère si particulière sont très bien restituées, et le dessinateur contribue fortement à la méditation sur la nature du temps et de l’inspiration artistique. De leur côté, les dialogues, finement écrits par Zidrou, révèlent une certaine sagacité. Les échanges entre Cactus et ses anciennes muses, comme avec le jeune Napolitain qu’il rencontre, sont souvent empreints d’humour, mais aussi de profondeur. Ils oscillent entre légèreté et gravité, entre la poésie des petits plaisirs du quotidien et la dépression silencieuse des artistes face à leur œuvre ou leur condition.
Alessia n’est cependant pas sans certaines faiblesses. L’idée de faire de Cactus une entité hybride n’est que partiellement exploitée. Et les réflexions esquissées ne font que très peu avancer le récit. Les moments de flottement, à cet égard, pourrait aliéner une partie du lectorat. Zidrou et David Merveille ont beau explorer avec une certaine finesse les thématiques du temps qui passe et de l’inspiration artistique, et clôturer leur histoire par une jolie pirouette, on reste cependant sur un sentiment de trop peu.
Alessia, Zidrou et David Merveille
Delcourt, octobre 2024, 88 pages