En plus d’être la cathédrale gothique la plus célèbre de France, Notre-Dame de Paris est aussi un roman majeur de Victor Hugo. Publié en 1831, il nous conte l’histoire de Quasimodo, Esmeralda, Frollo et Phoebus. Histoire d’amour, de haine et d’indifférence, histoire de passion aussi, dont les péripéties sont surtout connues pour les nombreuses adaptations, plus que pour le texte lui-même.
En effet, ce roman de 940 pages est à réserver aux mains et aux yeux des lecteurs aguerris, voraces ou déterminés. Les intrigues à tiroirs sont aussi complexes que les personnages, les scènes s’étirent sur des pages et des pages d’action comme de description.
Et pourtant, une qualité littéraire exceptionnelle, comme une récompense, attend le lecteur qui ouvrira les pages de Notre-Dame de Paris, sans doute l’un des plus beaux romans jamais écrits en langue française.
Un livre complexe – dans sa forme comme dans son fond
Notre-Dame de Paris. 1482, de son titre complet, est assurément un livre complexe, osons dire laborieux. En particulier pour celui qui est pressé de relire les événements visionnés dans une quelconque adaptation (mettons Le Bossu de Notre-Dame de Disney). Disons-le tout de suite : ce lecteur-là peut arrêter de rêver. Le livre est si détaillé, long et fourmille de tant de personnages qu’aucune adaptation ne contient l’ensemble de sa substance. Les neuf cents pages du livres renferment des figures jamais vues à l’écran ou sur une scène, des lieux, des propos, des réflexions inédits. Les personnages connus n’ont quasi rien à voir avec l’image populaire qu’on s’en fait… À l’image d’un Seigneur des Anneaux où plusieurs centaines de pages passent à l’écran en quelques minutes, Notre-Dame de Paris, composé de cinquante-neuf chapitres répartis sur onze livres, commence très lentement avec une longue exposition du poète Gringoire. Le propos est complexe, bien que parfait pour installer le spectateur en 1482. Au fil des pages, les protagonistes prennent du relief, le mystère s’épaissit en même temps que la lecture, devenue prenante, est facilitée.
Le roman de Victor Hugo répond bien à ce que l’on nous a inculqué enfant, à savoir qu’on n’a rien sans rien. La lecture est, certes, difficile, mais le contenu en vaut le coup. La fermeture du livre laissera une impression durable sur les lecteurs.
À la découverte de la cathédrale…
À l’heure des restaurations post-incendie, on remarque encore plus ce protagoniste supplémentaire, de pierre et de vitrail, que l’auteur a élu comme lieu pour sa fresque médiévale qui a déjà un pied dans la Renaissance. C’est la cathédrale elle-même, que Victor Hugo a choisi de mettre au centre de son roman historique pour alarmer sur son état délabré. En effet, à l’époque, la France endettée laisse l’édifice sans restauration, ce que déplore l’écrivain. C’est pourquoi il la magnifie dans son texte, en faisant le théâtre d’une histoire de passion humaine qui touche aux émotions les plus enfouies. Ce lieu de droit d’asile qui abrite le triste bossu Quasimodo, puis la superbe jeune gitane que nous connaissons tous, Esmeralda.
Et c’est grâce au succès populaire de son oeuvre que la question de la cathédrale commence à résonner dans les hautes sphères, conduisant à la création de l’Inspection générale des monuments historiques, puis à une pétition et enfin aux débuts de la restauration de Notre-Dame de Paris en 1842, date qui sonne comme un écho à l’intrigue du roman placée en 1482…
Notons les très beaux mots de l’historien Jules Michelet qui dit d’Hugo en 1833 qu’il « a bâti, à côté de la vieille cathédrale, une cathédrale de poésie ».
… et de la véritable histoire et son ambiance.
La beauté du livre découle aussi de la richesse des mystères que recèle l’intrigue – ceux-ci ne seront pas développés pour des raisons évidentes de spoiler. Des liens invisibles lient certains personnages à d’autres, mais aussi à leur destin, à la fragilité humaine, avec ces protagonistes dont les humeurs et la personnalité sont dépeints de manière très crédible, bien qu’éloignés de notre quotidien : une gitane amoureuse, un archidiacre torturé, un bossu blessé, un soldat désintéressé.
Au fil des pages, le lecteur découvrira une histoire tellement plus complexe que celle montrée par les adaptations, qui ne peuvent retranscrire les neuf cents pages et leur ambiance si particulière. Car c’est aussi cela qu’on retiendra de ce livre, qui se présente comme une invitation à un voyage dans le temps : son atmosphère dépeignant un Moyen-Âge agonisant de manière très poétique et parfois romantique, dans le Paris de 1482, entre poètes des rues, danseuse gitane, foi religieuse matérialisée dans la pierre, alchimie et suspicion de sorcellerie… Des émotions si fortes qu’elles en modifient le caractère, des passions menant à des drames, de la haine à l’amour et vice-versa, de la beauté matérielle à charnelle ou spirituelle…
Les truands, les gitans, les philosophes, les religieux, le bossu, le capitaine et, bien sûr, la cathédrale composent cette oeuvre magistrale qui convoque les pires desseins humains comme les plus beaux pour tisser un récit haletant et tragique, où le suspens et les twists guideront le lecteur vers un final dramatique où l’effroi se mêle au chagrin.
Notre-Dame de Paris est un livre qui devrait commencer par un avertissement : c’est un ouvrage qui marque longtemps après qu’on l’a refermé, qui inspire des émotions intenses qui traversent les pages et qu’on emporte avec soi au-delà du texte. Un roman historique magistral, intemporel et communicatif qui, à sa manière, parvient un peu à nous changer, ainsi que notre regard sur le monde et sur… Notre-Dame de Paris.