Grand admirateur de l’œuvre d’Hergé, Patrice Leconte publie aux éditions Casterman un abécédaire passionné consacré au petit reporter belge Tintin.
Tintin est un personnage emblématique de la bande dessinée franco-belge. Créé par Hergé en 1929, ce petit reporter intrépide et dénué de famille voyage dans le monde entier pour mettre fin aux agissements de criminels éprouvés et résoudre des mystères tous plus épais les uns que les autres. Son univers fictif, riche et complexe, comprend de nombreux personnages, lieux, motifs et événements sur lesquels le cinéaste français Patrice Leconte revient abondamment dans son abécédaire, de manière subjective et enthousiaste.
Si Tintin transparaît dans les albums d’Hergé avant tout à travers les nombreuses péripéties qui le caractérisent, Patrice Leconte démystifie quelque peu le jeune homme derrière l’aventurier. Son appartement, épuré, se trouve au 26 de la rue du Labrador, à Bruxelles. Le reporter y passe peu de temps, mais il lui arrive en revanche de se rendre au marché aux puces (Le Secret de la licorne) ou de se faire une toile en compagnie du capitaine Haddock, comme c’est le cas dans l’album Coke en stock. Dandy de façade, châtelain d’adoption, marin et ivrogne de nature, Archibald Haddock fait partie d’une famille élargie, comprenant Milou, les Dupondt ou le Professeur Tournesol, qui gravite autour du jeune journaliste avec une constance qui ferait presque oublier que ce dernier est en fait dénué de toute attache familiale.
Les péripéties auxquelles Tintin est confronté sont variées et souvent imprévisibles. Du désert brûlant de l’Afrique aux montagnes enneigées du Tibet en passant par les villes cosmopolites d’Europe, Tintin doit s’adapter à des environnements différents, parfois hostiles, et trouver des solutions aux nombreux problèmes qui se présentent à lui. En guidant son lecteur de l’enfant turbulent Abdallah aux couvertures pleines de promesses d’Hergé, Patrice Leconte, lui-même passé par la bande dessinée par le biais du magazine Pilote, rend parfaitement compte des subtilités et des motifs récurrents, ainsi que de la tonalité générale, de ces histoires qui, dans son enfance, étaient publiées sous forme de feuilletons, dans un illustré attendu avec l’impatience habituellement réservée aux grands maîtres.
Parmi les motifs recensés par l’auteur, on note les oiseaux et les bijoux. Ce n’est probablement pas un hasard si Patrice Leconte confesse caresser le rêve de tourner en prises de vues réelles Les Bijoux de la Castafiore, qui rassemble des objets et des personnages emblématiques de l’univers du petit reporter. Tintin de A à Z est aussi une invitation à décrypter les expressions favorites du capitaine Haddock, de portraiturer de manière amusée le Professeur Tournesol ou les Dupondt, voire d’opposer les méchants iconiques hitchcockiens et ceux, plus insignifiants ou pathétiques, qui se dressent sur la route de Tintin. Les voitures, les vocables désuets tels que sapristi, la langue anglaise ou le cinéma figurent également en bonne place dans cet abécédaire.
Il ne faut pas se méprendre sur les intentions de Patrice Leconte. Avec Tintin de A à Z, il se détache de l’examen scrupuleux et académique pour porter un regard affectueux, de passionné, sur la création d’Hergé. Cela peut parfois donner l’impression de rester à la surface des choses. Mais c’est surtout une manière personnelle, légère et efficace, de prendre langue avec un univers fictionnel qui aura marqué durablement la bande dessinée franco-belge.
Tintin de A à Z, Patrice Leconte
Casterman, mars 2023, 132 pages