Directeur de recherche au Centre Roland Mousnier, Olivier Grenouilleau est un spécialiste de l’histoire des traites. Dans l’ouvrage Qu’est-ce que l’esclavage ?, publié dans la collection « Folio Histoire », il cherche à définir l’esclavage, à déterminer ses principaux traits constitutifs, tout en revenant abondamment sur les rapports de ceux qu’il qualifie d’« hommes-frontières » avec leurs maîtres.
Qu’est-ce que l’esclavage ? n’est certainement pas dénué d’ambition. En quelque 400 pages (hors bibliographie), Olivier Grenouilleau livre une vision panoptique, très documentée, et transcontinentale, de l’esclavage. Ne cédant à aucune évidence, il s’échine à définir son objet d’étude et s’épanche longuement sur ce qui caractérise l’esclavagisme : l’altérité, les rapports de domination, le droit de possession d’autrui, l’utilité, un rapport de médiation vis-à-vis du monde… De la Grèce à Rome en passant par les Caraïbes, le Brésil ou les États-Unis, en citant Finley, Freyre ou Locke (mais jamais les esclaves eux-mêmes), l’auteur aborde de nombreux sujets liés à l’esclavage, dont les affranchissements (souvent intéressés et touchant avant tout les esclaves les moins dociles ou les plus intimes), les modes d’asservissement (guerre, dette, razzia, descendance, etc.), l’organisation sociale ou politique de cette institution ou encore les révoltes de ceux qui en souffrent.
Le principal intérêt de cet essai tient probablement au dépassement des généralités. Si un esclave se distingue par une utilité productive quasi tautologique, Olivier Grenouilleau rappelle également qu’il octroie à son maître une forme de puissance symbolique, voire qu’il peut être sollicité pour la reproduction sexuelle. Il revient aussi sur les perceptions erronées distinguant les esclaves domestiques de ceux des plantations, rappelant la dureté avec laquelle chacun pouvait être indifféremment traité. La traite transatlantique se fond dans une réflexion bien plus globale, qui replace par endroits l’esclave au centre d’un processus royal, militaire ou politique. Surtout, de bout en bout, et à travers trois parties qui se complètent parfaitement, Olivier Grenouilleau fait montre de ses capacités de vulgarisation et de synthèse. Qu’est-ce que l’esclavage ? se lit de manière fluide et demeure accessible à tout un chacun et ce, malgré le fait qu’il s’enrichisse de multiples références et qu’il s’intéresse aux hypothèses naturalistes, progressistes ou transitionnelles de l’institution esclavagiste.
Qu’est-ce que l’esclavage ?, Olivier Grenouilleau
Gallimard/Folio Histoire, janvier 2022, 512 pages