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Damien Ziegler passe au crible « Once Upon a Time… In Hollywood » aux éditions LettMotif

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Lett Motif publient Once Upon a Time… in Hollywood, le monde et sa doublure, de Damien Ziegler. L’auteur, qui n’en est pas à sa première analyse filmique, se penche avec érudition sur le dernier long métrage de Quentin Tarantino.

Comme souvent, Damien Ziegler éclaire une œuvre à la lumière de celles qui l’ont précédée. Avec Quentin Tarantino, cela renvoie à une esthétique pop et publicitaire, à une cinéphilie consommée et à des références picturales et littéraires parfois inattendues – mais toujours pertinentes. Once Upon a Time… in Hollywood, le monde et sa doublure effeuille ainsi le dernier film du cinéaste américain dans ses aspects les plus généraux comme les plus anecdotiques : la gestion de l’éclairage à la Tobe Hooper rencontre le flare inspiré d’Easy Rider, la dichotomie tragicomique d’un Woody Allen, le schématisme des fables des frères Grimm ou la violence sadique envers les personnages négatifs dont pouvait se prévaloir un Homère.

Doté d’un budget de 95 millions de dollars, l’un des plus importants dans la carrière de Quentin Tarantino, Once Upon a Time… in Hollywood affiche une longueur comparable à celle de ses précédents films, tels qu’Inglourious Basterds ou Django Unchained. Il s’emploie aussi à faire coexister et s’entrecroiser les arcs narratifs (à l’instar de Pulp Fiction), à portraiturer la société américaine des années 1960 et à proposer un dialogue impossible entre un Hollywood lisse et souvent clinquant, vecteur de liens et de communicabilité, sur lequel il s’attarde longuement, et une contre-culture symbolisée par des hippies dénués de relief psychologique, rejetés à la marge, et aussi dangereux que pathétiques.

Pour s’en convaincre, Damien Ziegler rappelle le relatif désintérêt de Tarantino quant à la caractérisation de Charles Manson et ses ouailles, mais aussi la dimension absurde d’une vengeance aveugle s’abattant davantage sur un symbole – la villa d’un producteur qui a refusé à Manson sa caution et son soutien – que sur les personnes qui l’ont investi – dont Sharon Tate. Et puisque le mot est lâché, l’auteur ne se prive pas de problématiser la vengeance dans l’œuvre de Quentin Tarantino, ni d’imaginer la séquence où Rick et Cliff s’en font les exécutants comme une sorte de retour de boomerang fomenté depuis l’au-delà – il s’appuie notamment sur la blancheur du visage de Sharon Tate pour accréditer cette lecture et souligne par ailleurs sa parenté avec l’Ophélie d’Odilon Redon.

Le montage, la narration tripartite, les coupes, les jump cuts, le « cool », les couleurs et le rendu chromatique, le deuil impossible (parallèle avec Christopher Nolan), la justice préventive (cette fois avec Minority Report), le traitement et la légitimité du châtiment (avec Peter Pan, notamment), le point d’équilibre entre pessimisme et optimisme ou encore la notion de bien et de mal irriguent la réflexion, pour le moins étayée (plus de 300 pages), de Damien Ziegler. Au cours de sa démonstration, qui fait dialoguer Once Upon a Time… in Hollywood avec Edgar Allan Poe, John Ford, Martin Scorsese, les théâtres du baroque et de l’absurde ou encore Andy Warhol, l’auteur érige la ruine du ranch Spahn en doublure dévoyée de la ville de Los Angeles, Rick en personnage du Nouvel Hollywood (sentimental, larmoyant) et la dualité en thématique riche et plurielle (l’acteur/le cascadeur, la réalité/la version alternative, les multiples interchangeabilités, etc.). Et si le lecteur se perd par moments en chemin, il aura au moins l’assurance de glaner çà et là quelques analyses précieuses.

Once Upon a Time… in Hollywood, le monde et sa doublure, Damien Ziegler
LettMotif, septembre 2022, 372 pages

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