2021, comme 2020, a été une année riche en découvertes littéraires et en approfondissement de la littérature anglophone. Revenons ensemble sur ce qui nous a le plus marqués.
Entamé à la fin de l’année 2020, Le Petit Copain de Donna Tartt est sans doute son roman le moins connu. L’autrice, dont le temps d’écriture des œuvres prend environ 10 ans à chaque fois, fait encore preuve d’un indéniable talent dans la caractérisation de ses personnages. Ici, nous suivons la jeune Harriet au caractère bien trempé, dans sa quête pour retrouver le prétendu assassin de son frère. Nous n’avons aucun mal à plonger au cœur de l’histoire et à la suivre tant l’environnement du livre nous semble palpable. Le style de Donna Tartt arrive totalement à dépeindre l’atmosphère si particulière du sud des États-Unis, particulièrement étouffante en été, et sa langueur mi-inquiétante mi-enveloppante.
Finalement, nous avons bouclé la boucle en découvrant le dernier roman de Donna Tartt, Le Chardonneret, ce qui fait que nous avons lu tous ses écrits. Là encore, l’écriture des personnages a su nous charmer, malgré un petit agacement. Autant nous avions adoré la dualité entre immaturité enfantine et entrée dans l’adolescence chez Harriet ; autant Théo (le personnage principal du Chardonneret) a fini par nous agacer. Ce n’est pas lui que nous avons préféré suivre dans sa descente aux enfers, mais les personnages qui ont croisé son chemin : Hobbie en premier, bien sûr, mais aussi Boris et son humour étrange.
Et puis, vu que ces livres sont de gros pavés, ils nous ont accompagnés pendant un certain temps, ce sont de bons compagnons contre l’ennui.
Nous avons continué nos lectures de littérature américaine plus tard dans l’année, avec ses courants plus “provocateurs” : le “gonzo journalism” avec Las Vegas Parano de Hunter S. Thompson, la “transgressive fiction” avec Moins que Zéro de Bret Easton Ellis, puis Mon chien Stupide de John Fante, que nous ne savons pas dans quoi classer.
Hunter S. Thompson est le père reconnu du journalisme gonzo qu’il popularise avec son roman Las Vegas Parano, dans lequel il use d’un style très vif, rapide, plein d’humour et de sarcasmes à propos de lui-même. C’est une façon de se mettre en scène en apportant à l’histoire des éléments autobiographiques en racontant l’histoire d’une enquête journalistique, dans un mélange de réel et de fictif. Il est également très connu en raison de ses personnages hauts en couleurs qui passent leur temps à user et abuser de diverses drogues. Le tout donne un cocktail explosif rarement lu mais que nous apprécions beaucoup, en grande partie grâce à son humour féroce et furieux.
Bret Easton Ellis, lui, nous montre Los Angeles sous l’œil désabusé de son narrateur Clay, jeune homme lui aussi accro à la drogue. Ici, la cocaïne sert de remplissage aux âmes vides et translucides de la bourgeoisie qui n’a rien d’autre à faire pour s’occuper. L.A apparaît alors ambivalente : elle est à la fois capitale du stardom et du culte à la célébrité clinquante où la richesse tente de cacher la misère sous-jacente; et capitale du vice où des inconnus meurent d’overdoses dans des ruelles sans que personne ne les remarque. Ce n’est certainement pas la plus joyeuse des lectures, mais assurément l’une des plus saisissantes.
Mon Chien Stupide n’était pas non plus une lecture très joyeuse même si l’autodérision du narrateur nous a fait quelquefois rire aux éclats. John Fante se met en scène sous la forme d’un personnage fictif vieillissant, mauvais père et mari, et alcoolique de surcroît, qui accueille un chien, Stupide, alors que sa famille est au bord de la rupture. C’est un livre très touchant et juste sur l’âpreté des échecs de la vie, grâce au regard cynique et dur du narrateur qui fait le bilan de sa vie. Le personnage du chien est un délice tant il est impeccablement décrit et son comportement est drôle.
Nous avons ensuite enchaîné avec deux romans coréens qui ont été des best-sellers dans leur pays : Kim Jiyoung, née en 1982 de Cho Nam-joo et La Végétarienne de Han Kang qui se sont tous les deux avérés déroutants.
Le premier suit le parcours d’une femme qui toute sa vie se bat contre les inégalités homme-femme et le sexisme afin de réussir à vivre correctement mais n’y parvient pas et petit à petit perd la tête. L’autrice mélange intelligemment fiction et données chiffrées pour que son message ait plus d’impact sur le lecteur et c’est une vraie réussite.
Le second est également une réussite mais est loin de faire l’unanimité à cause de son histoire étrange. Il s’agit aussi d’une aliénation, celle de Yongyue qui, suite à un rêve, décide de devenir “végétale” et ne plus rien manger en rapport avec les animaux. C’est un livre très déroutant découpé en trois parties qui se suivent mais avec des narrateurs différents. Il s’en dégage un certain onirisme grâce au style fluide de l’autrice, et une touche d’érotisme dans la deuxième partie. En tout cas, nous n’avions jamais lu une histoire similaire avant celle de ce roman et c’est pourquoi nous vous le conseillons grandement, si vous ne craignez pas d’être déconcertés.
Enfin, nous avons découvert une autrice irlandaise dont nous avons dévoré deux romans, même si elle ne fait pas l’unanimité dans la sphère littéraire : Sally Rooney. Ses détracteurs lui reprochent un style qui se rapproche du “parlé” et pas assez recherché, des histoires trop banales et simples et des personnages “typés génération millenials” (pour ce que ça vaut). De notre point de vue, ces critiques s’entendent bien, mais ne nous posent pas de problème particulier. Oui, ces histoires n’inventent rien de nouveau mais elles savent nous parler et nous toucher en plein cœur. Ces personnages nous ressemblent et nous les comprenons.
Si Sally Rooney a réussi à vendre plus d’un million de copies de ses romans, ce n’est pas pour rien. Ses livres plaisent et nous attendons de lire sa dernière parution avec impatience.
Ce fut une belle année de lecture !